Huit mois après Charlie Hebdo, la France a sans doute évité un nouvel attentat terroriste. Hier soir, vendredi 21 août, un homme lourdement armé a été arrêté dans un train Thalys reliant Amsterdam et Paris. C'est entre autres l'intervention héroïque de militaires américains qui ont permis de maîtriser l'homme dont l'attaque a tout de même fait plusieurs blessés dont un grave. Présent dans le train, l'acteur Jean-Hugues Anglade a également été légèrement touché. Il témoigne sur le site web de Paris Match.
Ils ne s'attendaient sûrement pas à vivre un tel trajet. Mais hier, le Amsterdam-Paris s'est transformé en scénario catastrophe avec une tentative d'attentat. Avec sa compagne et ses enfants, Jean-Hugues Anglade rentrait lui aussi d'Amsterdam. "Il est très choqué par ce qu'il a vu et vécu dans le train", confiait quelques heures après le drame un proche du comédien, interrogé par Le Parisien.
La star de Braquo se trouvait dans la voiture la plus proche de l'incident et c'est en tentant de briser la vitre du signal d'alarme qu'il s'est blessé à la main. "Le système d'arrêt du train était difficile à actionner, il a dû forcer et il s'est blessé", explique l'un de ses amis qui parle d'un "comportement héroïque". Pendant que son père, toujours hospitalisé aux urgences d'Arras, tentait d'actionner le signal d'alarme, l'un des fils du comédien, qui a deux garçons de 12 et 13 ans, aurait prévenu la police par téléphone.
"J'ai pensé que nous allions mourir"
Au lendemain de l'attaque, Paris Match publie un entretien avec Jean-Hugues Anglade, qui raconte sa version du cauchemar. "Nous avons entendu des passagers hurler en anglais "Il tire ! Il tire ! Il a une kalachnikov !" (...) Tout à coup, des membres du personnel naviguant ont couru dans le couloir, le dos courbé. Leurs visages étaient blêmes. Ils se dirigeaient vers la matrice, leur wagon de travail. Ils l'ont ouvert avec une clef spéciale, puis se sont enfermés à l'intérieur... Le tireur était à une dizaine de mètres de nous", dit-il.
C'est là que Jean-Hugues Anglade a bien cru voir sa dernière heure venue. "L'homme armé venait vers nous, il était déterminé. J'ai pensé que c'était la fin, que nous allions mourir (...) On cherchait tous une issue, un moyen de s'enfuir, de survivre. J'ai brisé la vitre pour tirer l'alarme pour arrêter le Thalys ! Le verre a méchamment entaillé mon majeur jusqu'à l'os, et les machines ont ralenti", explique-t-il.
"Au mauvais endroit, mais avec les bonnes personnes"
Jean-Hugues Anglade revient ensuite sur le comportement des équipes de la SNCF qui auraient refusé d'ouvrir la porte de leur wagon de travail aux passagers. "Nous hurlions "Ouvrez !" On voulait qu'ils réagissent ! En vain... Personne nous a répondu. Silence radio (...) C'était, pour nous, inhumain (...) J'ai protégé de tout mon corps mes enfants, leur répétant en boucle que tout allait bien", raconte le comédien de 60 ans qui va "bien" malgré le choc et 5 points de suture.
Il rend ensuite un hommage appuyé aux héros de l'attaque. "Nous attendions la mort, et nous n'avions pas le choix. Puis, un jeune homme, Anthony Sadler, a accouru dans notre voiture, criant que le tireur était maitrisé par des soldats américains en permission, que tout allait bien. Il nous a rassurés", dit Jean-Hugues Anglade qui estime avoir été au "mauvais endroit mais avec les bonnes personnes" et parle d'un "miracle". "Je veux rendre hommage à leur courage héroïque, et les remercier, sans eux, nous serions tous morts", conclut-il.
Les deux militaires, hospitalisés, ont été plus lourdement touchés. L'un est grièvement atteint par balle, au thorax, l'autre à l'arme blanche, au coude, mais leurs jours ne sont pas en danger. A 17h50, au moins un coup de feu a été tiré dans le train à grande vitesse Thalys 9364, à hauteur de Oignies (Haute Picardie). Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, qui s'est rendu à la gare d'Arras, a exprimé son "admiration" et sa "reconnaissance" envers ces passagers "particulièrement courageux", sans qui "nous aurions peut-être été confrontés à un drame terrible".
Repéré en train de recharger une arme dans les toilettes, le suspect était en possession d'un fusil d'assaut kalachnikov, d'un pistolet automatique, de neuf chargeurs et d'un cutter, selon une source policière. Après les révélations du journal El Pais ce matin, France 2 confirme que son nom serait Ayoub El Khazani (ou Khazzani), un Marocain âgé de 26 ans. Il avait bien été signalé par les services de renseignement espagnols à leurs homologues français en 2014 avant qu'il ne fasse l'objet d'une fiche de surveillance dite "S" par les services français.
Repéré sur un vol vers la Turquie en mai, Ayoub El Khazani, qui aurait vécu en Espagne et en Belgique, est soupçonné d'avoir été en Syrie. Le suspect, monté dans le train à Bruxelles, a été placé en garde à vue et se trouve actuellement à la DGSI à Levallois-Perret. Un témoin a décrit un homme "torse nu, assez fin et sec" avec un "flingue".
Le président François Hollande a vite réagi dans la soirée et assuré que tout était "mis en oeuvre pour faire la lumière" sur les faits et qu'il allait "coopérer étroitement" avec le Premier ministre belge dans l'enquête. La section antiterroriste du parquet de Paris est saisie de l'enquête. Le Premier ministre Manuel Valls a également témoigné sur Twitter de son "soutien aux victimes" et de sa "gratitude à ceux qui sont intervenus". Barack Obama a quant à lui exprimé sa "profonde gratitude pour le courage et la réactivité de plusieurs passagers, y compris des membres de l'armée américaine, qui ont de manière altruiste maitrisé l'assaillant". Il a rendu hommage aux "actions héroïques" qui ont probablement empêché une "tragédie bien pire".
Parmis les "héros" ayant permis d'arrêter le suspect, trois personnes ont déjà été décorées de la médaille de la ville d'Arras par le maire UDI Frédéric Leturque. Il s'agit d'Anthony Sadler, un étudiant en sport américain, d'Alek Skarlatos, garde national americain de 22 ans, tout juste rentré d'Afghanistan, et de Chris Norman, un chef d'entreprise britannique de 62 ans, intervenus après avoir été alertés par le comportement du suspect qu'ils ont frappé à la tête pour le mettre au sol. Il avait l'air dans un "état second" selon eux.