L'Irlande a Bono, le Cap-Vert avait Bana. Icône du magnifique archipel atlantique, le roi de la morna, ce genre musical mélancolique et plaintif si particulier et si envoûtant dont la regrettée Cesaria Evora (décédée en décembre 2011) fut la plus fameuse ambassadrice, est mort vendredi 12 juillet 2013 au soir au Portugal. Il a succombé à 81 ans, dans un hôpital de Lisbonne, à une longue maladie, a annoncé samedi l'agence Lusa, reprise par l'AFP.
Né le 5 mars 1932, Bana, de son vrai nom Adriano Gonçalves, avait commencé à chanter dès l'adolescence avec ses cousins dans les rues de Mindelo, où il est né, sur l'île de Sao Vicente. Ayant perdu sa mère alors qu'il avait 16 ans, il fait en 1953 la rencontre décisive du compositeur de renom B. Leza (Francisco Xavier da Cruz), oncle de Cesaria Evora qui, subjugué par le timbre de voix impressionnant de Bana, en fait son élève et lui fait interpréter ses oeuvres. Véritable mentor, Leza, qui souffre de problèmes respiratoires, inculquera son savoir au jeune chanteur, contribuant grandement à faire éclore le plus grand interprète de morna du pays, avant de s'éteindre en 1958.
Bana s'illustrera en compagnie de Voz di Cabo Verde, groupe phare du Cap-Vert fondé avec ses amis Luis Morais et Morgadinho, dans les années 1960, qui le voient vivre successivement au Sénégal, en France et au Pays-Bas, avant de s'installer à la fin de la décennie à Lisbonne, où il créera le label Monte Cara, au nom inspiré du relief montagneux face au port de Mindelo.
Géant par le talent comme par la taille (plus de 2m10), Bana, à l'initiative du premier concert de Cesaria Evora au Portugal en 1985, réalisera de nombreux enregistrements (une cinquantaine, le dernier étant paru en 2003) et sera décoré de l'ordre du mérite (au Cap-Vert et au Portugal) pour sa contribution au rayonnement culturel de son pays.
Ces dernières années, Bana, qui avait fait ses adieux à la scène en 1986 après une grande tournée, s'était retiré et avait indiqué qu'il n'enregistrerait plus. En mars 2008, il avait dû être hospitalisée, dans un état préocuppant, et le gouvernement capverdien était intervenu pour financer sa prise en charge. Le roi de la morna s'était bien rétabli et l'avait prouvé en montant sur scène en octobre de la même année à l'occasion de trois concerts au Cap-Vert, dont un, émouvant, à Mindelo (un extrait est visible dans notre player). En dépit d'un retour contrarié dans son pays natal en 1975, contraint de repartir à Lisbonne par la ferveur politique du moment et des accusations de collaboration avec les puissances coloniales (ce pour quoi il recevra quelques années plus tard des excuses officielles, suivies d'un accueil chaleureux sur ses terres natales), il est une icône de l'indépendance du Cap-Vert.