Le Festival de Cannes 2012 est un paradoxe. Trop plat et consensuel pour beaucoup, l'événement a provoqué un certain nombre de polémiques qui lui avaient permis d'alimenter le buzz et d'occuper les esprits. Sélection sexiste, interviews payantes, films hués et palmarès sans étincelles, cette 65e édition aura été celle de l'incompréhension.
Les coulisses du pouvoir
Les esprits les plus tordus avaient cependant trouvé une raison pour expliquer le palmarès du président Nanni Moretti. Très vite, la rumeur de favoritisme était lancée, annonçant que le cinéaste italien avait récompensé quatre films coproduits ou distribués par la société Le Pacte, avec laquelle il collabore. Une énième controverse après celles de Quentin Tarantino primant Bowling for Columbine (2002), financé par ses producteurs, et Isabelle Huppert offrant la Palme d'or à son ami Michael Haneke pour Le Ruban blanc (2009).
Thierry Frémaux se moque de ces bruits de couloir, qu'il balaie en quelques phrases dans les pages du Monde : "Les règles sont claires : neuf jurés, une voix par personne, un vote à deux tours de scrutin par prix dont la liste est fixée par le règlement, et un palmarès établi en présence de Gilles et moi-même qui surveillons l'application des règles. Aucune manipulation possible. Quatre jurés se laisseraient corrompre sous nos yeux par le président pour former une majorité destinée à offrir secrètement cinq prix à un distributeur français ? Cinq prix mais pas la Palme d'or ? Avec les fortes personnalités qui composaient le jury cette année ? Et alors qu'aucun prix n'a été décerné à l'unanimité ? Je vous laisse conclure."
En 2004, le délégué général du Festival de Cannes avait finalement lâché sur Twitter que Tarantino n'avait pas personnellement voté pour la Palme d'or de Bowling for Columbine, afin de mettre un terme aux rumeurs de favoritisme. Conscient de l'importance de ces controverses, il affirme néanmoins : "Ces soupçons, c'est du fantasme. (...) Personnellement, je n'ai jamais vu un juré lâcher prise." Nanni Moretti était d'ailleurs le premier à avouer qu'aucun prix n'avait été remis à l'unanimité.
Cannes : 3 / Les autres : 0
Décidé à clarifier chaque point, il revient sur la polémique des femmes, quasi-absentes de la sélection : "Accuser le Festival ne mène à rien. La preuve : Cannes terminé, le problème est-il résolu ? (...) Si, l'année prochaine, un film réalisé par une femme est mal accueilli, on dira qu'elle a été abusivement sélectionnée parce qu'elle est une femme. (...) Le plus grand des respects qu'on doit à une femme-cinéaste n'est-il pas de la traiter avant tout en cinéaste ?"
Rien ne résiste à Thierry Frémaux, qui s'attaque ensuite aux accusations de palmarès consensuel, dominé par des habitués de la compétition : "Ce sont des clichés. Cette année, plus des deux tiers des cinéastes venaient en compétition pour la première ou la deuxième fois, proportion plus forte encore sur l'ensemble de la sélection officielle. La renouvellement est permanent. Quant au palmarès, c'est à chaque fois un jury différent qui récompense les mêmes cinéastes. CQFD." Avec un tel chevalier, le Festival de Cannes n'a décidément rien à craindre.