Mathieu Kassovitz se sent insulté ; et c'est par des insultes qu'il le fait savoir. On connaît bien le caractère ombrageux et la verve très acérée du réalisateur de La Haine, qui a eu droit de cité dans les médias en 2011 pour la promotion de sa dernière production épineuse et controversée (L'Ordre et la Morale). Ce n'est donc pas une surprise de le voir s'emporter violemment. Même si, cette fois, à défaut d'arguments et de raisonnement, Mathieu Kassovitz se rabat sur un chapelet de gros mots.
"Une seule nomination aux césars. J encule le cinéma français. Allez vous faire baiser avec vos films de merde" [sic], a éructé un Kassovitz terriblement frustré, après avoir porté durant des mois son projet à bout de bras, contre vents et marées. L'Ordre et la Morale, nouvelle pierre dans le jardin de son cinéma social, n'a récolté qu'une nomination pour la grand-messe du cinéma français, dans une catégorie mineure, celle du "Scénario adapté". Tandis que Polisse (13 nominations), L'Exercice de l'Etat (11), The Artist (10), Intouchables (9), L'Apollonide (8) ou encore La guerre est déclarée (6) se disputeront le 24 février prochain les trophées phares.
Une douche froide qui s'ajoute à l'échec commercial (150 000 spectateurs, pour un budget avoisinant les 13 millions d'euros) de cette réalisation offrant une relecture des événements tragiques d'Ouvéa, en Nouvelle-Calédonie, notamment d'après le temoignage de Philippe Legorjus, capitaine du GIGN au moment des faits et de la prise d'otages, dans son ouvrage La Morale et l'Action (1990).
"J'encule le cinéma français oui... mais pas tous"
L'accès de rage initial de Mathieu Kassovitz, 44 ans, a déclenché une vague de réactions houleuses sur Twitter, l'incitant à "développer" son propos : "Je m en fout des césars. Je n'y ai jamais mis les pieds. Je suis juste choqué par le manque d intérêt", a-t-il rebondi avec un peu plus de sang-froid (répondant même à un internaute que lors du sacre de La Haine en 1996, il regardait la cérémonie à la télé), avant d'ironiser, sarcastique, qu'il devrait "faire des films plus simples". Une allusion probable au raz-de-marée d'Intouchables, désormais sur le podium de l'histoire du box-office hexagonal, ce que semble confimer ce samedi un nouveau twitt de l'intéressé précisant qu'il "n'encule pas tout le cinéma français" et détaille les exceptions : "Je vois que cette histoire vous tracasse. Je tenais m excuser et à préciser... j éculé [sic] le cinéma français oui... Mais pas tous. Pas Testu par exemple ;) ni Jan. Ni Gaspard, Hazanavicius, Boukrief, Vestiel, Gavras..." Au final, The Artist se sauve, et Testud et Gavras, avec qui Kassovitz a des collaborations en cours, sont repêchés.
Des nuances nécessaires après que Twitter est devenu le champ d'une bataille rangée, entre des utilisateurs véhéments et un Kassovitz fidèle à lui-même : "Vous ne m aimez pas. Je ne vous aime pas non plus" (un emprunt édifiant à Maurice Pialat, Palme d'or à Cannes en 1987), "Narcissique et prétentieux. Je le suis. Je l affirme. Je vous emmerde. Bonne journée."
Reste à espérer que ce nouveau fait d'armes ne tourne pas au désamour et n'affecte pas l'accueil de ses prochaines prestations, dans La Vie d'une autre de Sylvie Testud avec Juliette Binoche et Aure Attika, Le Guetteur de Michele Placido avec Daniel Auteuil ou encore Haywire de Steven Soderbergh. Car, de cette histoire, on risque de ne retenir que les dérapages verbaux de Mathieu Kassovitz, omettant au passage les liens cinéphiles qu'il poste au coeur du débat, les références et les excuses de cet indomptable passionné.