L'époque est aux carrières à rallonges et à rebonds, dans le sport de haut niveau, qu'il s'agisse des footballeurs partis profiter d'un eldorado (arabe, russe, américain ou chinois) pour leurs vieux jours professionnels ou des revenantes aux dents longues comme Kim Clijsters, auteur d'une seconde carrière impressionnante après sa pause bébé. En France, le meilleur exemple est évidemment celui de Laure Manaudou, qui, à seulement 25 ans, a tout gagné, a pris sa retraite, est devenue maman, est revenue à la compétition, et va disputer dans quelques jours à Londres ses troisièmes olympiades. Le genre de come-back dont son ancienne consoeur Esther Baron n'est pas du tout envieuse.
Elle aussi âgée de 25 ans, comme son amie Laure Manaudou, rencontrée en 2004 aux débuts de celle-ci à Melun et retrouvée en 2008 lorsqu'Esther a signé au Cercle des Nageurs de Marseille, la championne d'Europe 2006 du 200m dos n'a pas spécialement envie de replonger, comme elle l'a confié il y a quelques jours à L'Equipe : "La compétition me manque mais la routine quotidienne, non", affirme celle qui se contente, en délicatesse avec une hanche qui lui "fera mal toute sa vie", "ne nage plus du tout", sinon occasionnellement en Interclubs.
Esther Baron, qui avait pris sa retraite sportive en septembre 2009 (comme... Laure Manaudou), s'est construit une nouvelle vie qui la satisfait pleinement et dans laquelle elle s'épanouit, loin du rythme d'enfer des entraînements de la natation de haut niveau : "Ma vie est bien remplie. J'ai eu mon diplôme d'éducateur sportif, premier puis deuxième degrés, j'ai trouvé un poste à la piscine de Manosque [le club de ses débuts, avant de rejoindre en 2004 le groupe de Philippe Lucas à Melun, NDLR] en juin 2011. J'entraîne les 7-11 ans, qui donnent tout ce qu'ils ont. Avec les grands, j'aurais plus de mal car j'ai envie qu'ils soient les meilleurs, investis comme moi je l'ai été." Elle s'est même lancée dernièrement dans une nouvelle expérience, s'engageant en politique, suppléante du député PS Christophe Castaner, élu le 17 juin (Deuxième circonscription des Alpes-de-Haute-Provence), histoire "de voir autre chose que la natation". De toute manière, les ponts sont coupés avec la discipline qui a occupé sa première vie : "Ils [Les gens du milieu et les autres nageurs] ont continué leur chemin, sans m'appeler. Mais j'aurais fait pareil à leur place", constate-t-elle calmement, précisant tout de même être toujours très liée avec Laure Manaudou, "avec qui j'ai vécu tellement de choses qu'on ne peut pas se séparer". Et regrettant au passage la manière dont les sportifs de haut niveau qui partent à la retraite sont abandonnés à leur sort (un vrai problème d'actualité) : "La fédération nous envoie une lettre, pour nous remercier de nos résultats pour l'équipe de France, et c'est tout. C'est un peu dur d'être lâchée dans la nature."
Car "la nature" est hostile, quand on a à peine plus de vingt ans et qu'on n'a fait que nager toute sa vie... Si elle est parfaitement heureuse aujourd'hui, Esther Baron n'en a pas oublié pour autant comment sa carrière s'est achevée brutalement alors qu'elle avait les JO de Londres 2012 en point de mire, ni comment elle aurait pu "finir sous les ponts" sans le soutien de ses parents : "Je suis revenue chez papa-maman, ça m'a fait très bizarre car j'en étais partie à 16 ans. Ma mère me dit "tu veux voir ce que c'est la vraie vie ?, tu vas travailler." Donc je suis allée à l'usine. J'ai passé 6 mois à mettre des tubes dans des cartons. Je sortais de ma bulle de sportive de haut niveau où on me faisait aller dans des hôtels 5 étoiles, manger au resto tous les jours. Je n'avais aucun diplôme en poche. C'était vraiment la catastrophe. Heureusement que mes parents étaient là pour me soutenir sinon j'aurais fini sous les ponts."