Acteur animal, poète moderne, brutal en apparence, sensible en réalité, JoeyStarr est un mythe à lui tout seul. Rappeur, acteur, taulard, enfant traumatisé... autant de portraits que JoeyStarr rassemble en un seul homme. Pour Frédéric Beigbeder – avec qui il tournait dans L'amour dure trois ans – et le magazine Lui, JoeyStarr se confie sans détour.
Retrouvant celui qui l'a dirigé en patron homosexuel dans la rom-com L'amour dure trois ans, JoeyStarr correspond à cette image du type qui aime briser la sienne. Même si pour lui, "c'était intéressant pour le challenge, la performance". "Je m'en fous, de mon image. Elle n'a aucune importance" affirme celui qui dira plus tard : "Je veux pas qu'on m'aime, [...] l'oeil de l'autre, je n'en ai rien à foutre."
Son enfance et NTM
Au fil de l'interview, on remontera ainsi le temps. Tout part d'une enfance particulière, un père violent au point de lui faire manger son propre lapin. "C'est un rural. [...] Son fils qui fait des papouilles au lapin, il s'en fout. Mais bon, de là à saisir l'animal et lui mettre deux coups de planche derrière le crâne devant le gosse... Merde, on est en France, pas aux Antilles", se souvient le sulfureux rappeur qui y passait d'ailleurs ses vacances, "un calvaire" selon ses mots. Jeune, aux Antilles, on le voyait comme "le fils du salopard". Il en bavait.
Plus tard, le trublion du rap français connaît le succès avec NTM, l'aventure de sa vie, dit-il. Avec son partenaire de scène, Kool Shen, débute une histoire fratricide. "NTM, je l'ai vécu comme une histoire d'amour avec une gonzesse qui te le fait à l'envers", assène JoeyStarr qui garde un souvenir brûlant de cette époque. En 2008, après avoir enterré une longue brouille, le groupe culte se reforme le temps d'une tournée. Sur scène, c'est la folie. Et pourtant : "Très sincèrement, la reformation, je n'y suis pas allé avec le coeur et le ventre comme à nos débuts. J'y suis retourné pour un truc d'ego," lâche-t-il. Kool Shen finit par le plaquer pour une histoire de couple, aux prémices d'un quatrième album. JoeyStarr range alors au placard ses retards monstres, son caractère difficile et un chapitre du rap français.
Prison et cinéma
Il arrive ensuite au cinéma. Grande gueule au visage buriné, le charisme du rappeur ne laisse pas indifférent. Il racontera qu'il était en prison, à Fleury-Mérogis, lorsque Maïwenn vient lui proposer d'intégrer son casting de flics à la BPM pour Polisse. "J'étais un peu déçu parce que je savais que c'était un parloir féminin et que j'espérais autre chose ! Ma fiancée de l'époque, elle venait avec des bas", se souvient avec humour le bad boy.
Il rencontre le succès dans Polisse, auréolé d'un Grand Prix du jury à Cannes en 2011, "remis par Bob De Niro", note-t-il. L'acteur oublie alors la douleur qu'il a dû affronter : "À l'arrivée, tu n'as pas envie de faire le bordel, tu fermes ta bouche et tu rentres chez toi", répond-il en écho à la polémique autour de La Vie d'Adèle. Sans blâmer pour autant Léa Seydoux, qui parlait de calvaire et de traquenard. "Ce n'est pas une mauvaise chose que ça se sache que c'est un art difficile, pour des jeunes qui débutent et qui croient que c'est le monde des Bisounours", estime le comédien qui justifie un tel engagement pour un film, faisant écho aux propos récents d'Éric Cantona : "Je veux bien chier dans la douleur seulement si le film est à la hauteur."
Homme sensible, JoeyStarr n'oublie pas d'où il vient, lorsque notamment il a été séparé de sa mère. C'est sous psychotrope, avant un concert, que JoeyStarr fait la rencontre dans sa loge d'une "dame en train de pleurer que je n'avais pas vue depuis vingt ans". "Je fais le concert, et ensuite ma mère me présente mes frères. Un truc de dingue", se souvient le roc qui, quelques lignes plus loin, se vante pourtant d'avoir "sniffé sur le capot d'une bagnole de flics". Mais il s'est assagi : "J'ai arrêté de boire il y a longtemps, j'ai maigri, je ressemble à un jeune premier."
Enfin, JoeyStarr nous conte ce fameux dérapage dans une boîte de Liège qui lui valu une nuit en prison et quelques blessures. Il évoque un "gars qui s'est mis à nous chercher", avant de donner quelques détails pour le moins choquants : "Ils m'ont étranglé avec mon écharpe, j'ai connu une nouvelle drogue ce soir-là. Verre pilé et urine dans le nez. Dans une ruelle, j'avais un pied sur la gueule et là, j'ai jamais eu peur comme ça de ma vie. Je pleurais. Pourtant, j'ai reçu des coups de couteau, on m'a tiré dessus..."
Interview à retrouver en intégralité dans "Lui", 3e numéro.