La chute de Luc Besson pourrait-elle arrver ? Déjà visé par des plaintes – l'actrice belgo-néerlandaise Sand van Roy, notamment vue dans Taxi 5, avait déposé deux plaintes pour viol en mai et juillet 2018 – et accusé par plusieurs témoignages, le réalisateur et producteur français a fait l'objet d'une nouvelle enquête de Mediapart. Le site révèle ce mercredi 28 novembre 2018 "cinq nouveaux témoignages, appuyés par plusieurs documents", ce qui porte à neuf le nombre de femmes accusant le réalisateur de comportements sexuels inappropriés, voire de relations sexuelles non consenties pour certaines.
L'article commence par le témoignage d'une jeune femme répondant au pseudonyme d'Ananda. Ancienne assistante de Luc Besson, elle a mis plusieurs mois avant de finalement accepter de livrer son témoignage à Mediapart. Elle n'y "parle pas de 'viol', mais pas de relation consentie non plus". L'ex-employée d'EuropaCorp reproche au cinéaste d'avoir "manipulé la jeune fille qu'[elle] étai[t]" à l'époque et d'avoir "opéré un chantage pour [la] mettre dans son lit". Elle estime ainsi avoir subi trois relations sexuelles qu'elle affirme non consenties, mais aussi des gestes et des comportements inappropriés. Ces faits, qui se seraient déroulés dans les années 2000 d'après elle, sont prescrits. Elle ne peut donc pas porter plainte.
Je me suis dit 'fais l'étoile de mer', tu laisses faire et tu te dis que ça va passer
Toutefois, Mediapart n'hésite pas à révéler une note manuscrite destinée à Ananda, qui avait rendez-vous – "professionnel" dit-elle – avec le dirigeant d'EuropaCorp à l'hôtel Meurice, un palace où il a ses habitudes. Christine Jouishomme, graphologue et présidente de la compagnie des experts en écritures et documents, agréée par la Cour de cassation, l'assure : cette note "émane bien de la main de Luc Besson". "Naïvement, je me suis dit qu'il avait peut-être pris une chambre pour me la laisser comme il savait que j'étais en galère. Jamais je n'ai pensé que j'allais passer à la casserole", raconte la présumée victime, qui "dit n'avoir aucun souvenir des 'détails', des 'mots' prononcés". Mais le lendemain, elle se réveille avec l'impression "qu'un truc pas clair s'était passé".
Cinq jours après leur entrevue, un contrat l'attend à EuropaCorp. La voici assistante de direction de Luc Besson. Au lendemain de cette embauche, Luc Besson lui donne à nouveau rendez-vous, au Lancaster cette fois-ci. Elle prétexte un mal de crâne, mais le réalisateur insiste et l'aurait même "réveillée au milieu de la nuit" pour lui demander de le rejoindre dans son lit. "Je me suis dit 'fais l'étoile de mer', tu laisses faire et tu te dis que ça va passer", raconte-t-elle.
La jeune femme fait également état "d'attouchements permanents sur les fesses et des "bisous" non voulus". "Il me faisait venir dans son bureau, moi j'arrivais avec un bloc-notes, et lui me disait : 'Non, viens t'asseoir sur mes genoux. Tu me fais un petit bisou ?' Tout le temps, chaque jour. La main baladeuse sous le chemisier, sous la jupe parfois même, comme un gosse qui essaye de te tripoter ni vu ni connu", explique-t-elle à Mediapart. Elle couchera avec lui, de manière consentie maintient-elle, une troisième fois, deux mois après l'épisode du Lancaster. "Comme il ne mettait pas de préservatif, je voulais m'en rappeler au cas où", dit-elle en montrant la mention "craccrac L" sur son agenda. "Cette fois-là, il m'a un peu fait payer le fait que je lui échappais. Il n'a pas été doux. Pas violent non plus. J'ai eu l'impression d'être plutôt une pute", se souvient-elle. À la fin de sa période d'essai, elle quitte EuropaCorp, préférant prendre "la poudre d'escampette, quitte à galérer seule".
Mediapart raconte également comment Luc Besson s'est retrouvé seul dans une chambre d'hôtel où il a fait passer un casting à "une mannequin de l'agence Elite New York âgée de 16 ans". "Sollicitée, la jeune femme n'a pas souhaité faire de commentaire", selon le site. Il publie également les dires de Karine Isambert, mannequin de 22 ans lorsque Besson sollicite un rendez-vous dans le but de lui confier un rôle dans un film. "Il me dit : 'Une actrice, il faut vraiment avoir envie de la baiser.' Je lui dis que c'est quand même important que la fille sache bien jouer, qu'elle incarne quelque chose. Il me répond : 'Ouais, mais c'est important si on a envie d'elle, sinon ça n'a pas d'intérêt'", dépeint-elle notamment, assurant avoir évité et refusé les avances faites, y compris lorsqu'au moment de partir, il l'aurait "attrapée par le haut de la fesse pour [la] presser contre lui assez fort, en [lui] faisant la bise". "J'ai eu peur qu'il m'embrasse et donc je me suis reculée, et j'ai failli lui foutre une baffe, raconte-t-elle. Il me regardait méchamment, avec mépris. C'était le crime de lèse-majesté."
J'arrivais parfois le matin la peur au ventre
Est aussi étalé le témoignage d'une anonyme prénommée Emmanuelle, stagiaire à EuropaCorp au moment des faits. "Vous avez 22 ans, vous lui faites un bisou sur la joue, il en profitait pour passer une main sous mon tee-shirt, sur le ventre. Je trouvais ça un peu lourd" déclare notamment cette femme que Besson aurait "embrassée sur la bouche" sans son consentement. Le quatrième témoignage est celui de Laura, une ancienne étudiante à la Cité du Cinéma – l'école chapeautée par Besson – qui a travaillé sur Valérian en tant que stagiaire référent. Elle fait état d'attouchements, de bisous non consentis sur la joue ou dans le cou. "J'arrivais parfois le matin la peur au ventre, c'était la perspective de ce qui pouvait arriver, et que je n'avais aucun moyen de l'arrêter", se remémore-t-elle, avant d'expliquer que Luc Besson ne s'est pas comporté de la même manière lorsqu'il était avec sa femme Virginie ou l'une de ses filles, que quand il s'est retrouvé seul avec elle.
Dernier témoignage, celui de Pauline. Elle se souvient notamment que le producteur lui a mis "une main aux fesses" en passant derrière elle, puis l'aurait "prise par la taille" alors qu'elle discutait avec un autre stagiaire. "Ça s'est passé sous mes yeux, confirme le jeune homme en question. Ça m'a choqué, Besson se comportait comme si c'était sa copine."
À l'inverse, Swan Pham, directrice de casting qui travaille avec Luc Besson depuis une vingtaine d'années, affirme que son employeur "n'a jamais eu un geste ni quoi que ce soit de déplacé". Elle affirme même avoir "parfois dû retenir des jeunes filles qui par hasard s'égaraient dans son bureau personnel pour le voir".
Quant à Luc Besson, qui a été entendu le 2 octobre par les enquêteurs, il est resté depuis silencieux, ayant stoppé toute publication sur les réseaux sociaux et même supprimé son compte Instagram. Il reste présumé innocent des faits reprochés jusqu'à jugement définitif.