"Je suis né d'une maman juive et d'un papa juif, dans le pays tchèque. Cela m'a déterminé" : l'AFP, qui l'avait rencontré notamment en 2007, rappelle cette formule synthétique d'Arnost Lustig. L'écrivain tchèque, rescapé de l'Holocauste et témoin opiniâtre de cet épisode de l'Histoire au travers de ses ouvrages, est décédé ce samedi 26 février 2011, à Prague, à l'âge de 84 ans. Il était atteint d'un cancer depuis cinq ans.
Né le 21 décembre 1926 dans le modeste quartier ouvrier pragois de Liben, il ne cachait pas sa source principale de réflexion et d'inspiration : "Tout ce que j'ai appris d'important sur l'Homme, je l'ai appris pendant la guerre."
Déporté à 16 ans dans le camp de concentration de Terezin, passé également par ceux de Buchenwald et d'Auschwitz, il a eu la chance, contrairement à son père qui périt en chambre à gaz, de survivre, de fuir lors d'un transfert vers Dachau qui lui aurait été fatal (profitant de l'explosion du convoi, bombardé par les avions américains), et d'en nourrir son oeuvre littéraire, qui met en scène des gens ordinaires confrontés à l'horreur de la guerre.
Formé au journalisme après la guerre, il est notamment l'auteur de La Nuit et l'Espoir, de Diamants de la nuit, porté à l'écran en 1964, La première station Bonheur, Le Transport du Paradis, L'odeur amère des amandes, Dita Saxova, ou encore de Prière pour Katerina Horovitzova.
Emigrant aux Etats-Unis suite à la répression du printemps de Prague en 1968, il y enseignera jusqu'en 2003 à l'American University Washington D.C., et partagera sa vie entre ce côté de l'Atlantique et son pays natal après l'effondrement du communisme en 1989. L'AFP rappelle que ce passionné d'Ernst Hemingway, William Faulkner, Thomas Mann et de Franz Kafka (également natif de Prague, et dont Arnost Lustig reçut le prestigieux prix à son nom en 2003) "choqua ses fidèles lecteurs en dirigeant de 1995 à 1997 la version tchèque du magazine Playboy".
Arnost Lustig s'était marié et avait eu deux enfants (Josef et Eva) avec Věra Weislitzová, qui avait également connu l'enfer des camps de concentration (Terezin) et dont les parents avaient péri à Auschwitz - elle leur dédia son recueil de poèmes Fille d'Olga et Leo.