Une poupée assez traumatisante trône à côté du réalisateur Pascal Laugier, vestige du tournage de son dernier film, Ghostland, lauréat de trois prix au Festival de Gérardmer (Grand prix du jury, Prix du public et Prix du jury Syfy) et aujourd'hui disponible en DVD et Blu-ray. Le cinéaste aime l'univers horrifique et parle de son travail avec une passion enthousiaste. Sans parler du fait qu'il a travaillé avec une artiste aussi iconique rare puisque son dernier film, Giorgino, remonte à 1994 : Mylène Farmer ! Purepeople a discuté avec lui de sa belle collaboration "horrifique" avec la chanteuse mythique qui incarne devant sa caméra une mère qui s'installe dans une vieille maison avec ses deux filles ados, mais la famille fait rapidement face à l'arrivée de tueurs monstrueux venus les séquestrer. Rencontre.
"Je suis fan d'elle et de son travail, et c'est très rare dans la vie mais des fois, quelqu'un que vous aimez beaucoup vous appelle, vous dit qu'elle connaît vos films, vous suit depuis vos débuts et vous demande : 'est-ce que vous aimeriez réaliser un de mes clips ?' J'ai sauté de joie. La rencontre a été tellement évidente. Ce clip [City of Love] s'est passé à merveille et on a trouvé que c'était trop court. On ne s'est pas lâché après le clip, on a commencé à se fréquenter à titre privé, on a beaucoup discuté."
On se tournait autour.
"Elle a posé beaucoup de questions sur le film Ghostland sans oser, je crois, me demander un rôle. On se tournait autour. J'avais dans un coin de ma tête l'idée que j'avais très envie qu'elle joue le rôle de la mère, car je n'arrivais pas à trouver la bonne comédienne américaine." Ni une ni deux, la star qui souhaitait aussi collaborer avec lui découvre le scénario et s'engage sans tarder dans l'aventure.
"Mylène, il paraît que c'est quelqu'un qui dit beaucoup non, mais quand elle vous dit oui, c'est vraiment à la vie, à la mort. Elle ne vous lâche plus, elle est d'une fidélité absolue. Sur le plateau, à travers la caméra, j'ai été très, très ému de la filmer derrière la fenêtre, le dernier plan d'elle dans le film, tel un fantôme. Là, je retrouvais tout ce que j'avais aimé chez elle. J'ai envie de dire : l'élégance de la morbidité de son univers. Ce balancier constant entre le monstrueux, le très beau, ce qu'on appelle l'étrangeté et qui est ma came à 100%. C'est aussi pour ça que tôt ou tard, on était fait pour se rencontrer. Mais je n'aurais jamais pu imaginer que ce serait carrément pour un long métrage." Mylène Farmer non plus ne tarit pas d'éloges à propos du metteur en scène, qui fait face aux accusations d'une autre de ses actrices envers la production, Taylor Hickson, après un accident de tournage qui lui a valu 70 points de suture.
"Je vais pas être très original, j'adore le clip de Libertine, j'adore la version longue de Pourvu qu'elles soient douces, j'adore Sans contrefaçon... J'aime l'envie de ce couple artistique entre Laurent Boutonnat et Mylène Farmer dans une France très pépère de la variété française de papa et maman qui a bercé mon enfance de façon un peu cafardeuse personnellement. Tout d'un coup, il y a cette créature étrange venue d'ailleurs qui ne ressemble à personne d'autres et qui fait son truc."
Elle a réussi à imposer cette imagerie à un public incroyablement large
"Moi en 1989, je fais partie de ceux qui l'ont vue à Bercy pour son show auquel personne ne croyait, parce qu'on ne croyait pas qu'elle a du talent, juste une vedette éphémère. Avec son premier show, elle met tout le monde d'accord. Sur scène, il y a des pierres tombales, elle apparaît à coup de déflagration électronique en balançant un poème de Baudelaire ultramorbide, L'Horloge... Je suis chez moi ! Exactement comme les films de Dario Argento me ressemblaient. C'était excitant, subversif à sa façon, c'était en prise de risque maximale et totalement sincère. Et elle a réussi à imposer cette imagerie à un public incroyablement large alors que ce genre d'univers gothique bizarre, c'est précisément ce à quoi les Français sont en général assez réfractaires. Elle y est arrivée et j'ai une admiration sans borne."
Ghostland, actuellement en DVD et Blu-ray.