Si besoin était, le monde saura désormais que Nicolas Sarkozy utilise un téléphone portable Nokia. A quelques instants de recevoir, lundi 16 janvier 2012, un insigne honneur des mains du roi Juan Carlos Ier d'Espagne, qui venait de l'accueillir par une très chaleureuse accolade devant les photographes au palais d'Orient, le président français a troublé le protocole lorsque son téléphone a sonné, l'obligeant à se détourner pour le couper. Un mauvais timing dans lequel on peut voir une coïncidence positive : le fameux thème musical de la marque de téléphonie finlandaise est adapté de Gran Vals, du compositeur et guitariste romantique espagnol Francisco Tarrega, fierté nationale de l'autre côté des Pyrénées...
Après ce petit prélude intempestif, le président de la République française a pu recevoir du monarque ibérique l'insigne et le collier (exposé dans son écrin avec la figure du bélier en pendentif, et remis à part) de l'ordre de la Toison d'Or, fameux ordre de chevalerie fondé en 1430 par Philippe le Bon et destiné aux "gentilshommes de nom et d'armes", passé à partir du XVIe siècle en Espagne, où il est aujourd'hui le plus important ordre honorifique. Nicolas Sarkozy, premier président de la Ve République à recevoir cette distinction, s'est vu ainsi remercier pour son rôle dans la lutte contre l'organisation séparatiste basque ETA, devenant le 1203e chevalier de l'ordre. Il portera le collier qui appartint à Gaston Doumergue, dernier des sept présidents de la IIIe République à avoir été honoré de l'ordre de la Toison d'Or, sa distinction étant revenue au roi d'Espagne à sa mort, comme l'exige la tradition.
Visiblement en forme quelques jours après avoir célébré le 5 janvier son 74e anniversaire, le roi Juan Carlos Ier, en présence de son épouse la reine Sofia, de son fils le prince héritier Felipe avec son épouse la princesse Letizia, a salué l'action du chef de l'Etat français dans le sens d'une coopération sur ce dossier sensible, qui a contribué à l'annonce par l'ETA, le 20 octobre 2011, de "la fin définitive de son action armée" : "Vous avez conduit avec fermeté et efficacité une coopération politique, judiciaire et policière entre nos deux pays pour en finir avec la violence terroriste", a-t-il félicité Nicolas Sarkozy, n'ignorant sans doute pas, lorsqu'il épingla l'emblème de la Toison d'Or, que cette bonne entente avait été amorcée dès 2002 avec l'arrivée de l'intéressé au ministère de l'Intérieur. Il rejoint la liste des happy few ainsi honorés par le monarque espagnol, où figurent entre autres, parmi les contemporains, le roi Carl XVI Gustav de Suède, le roi Harald V de Norvège, le roi Albert II de Belgique, le grand-duc Henri de Luxembourg... De fait, Nicolas Sarkozy est le seul chef d'Etat républicain membre de l'Ordre. A noter que, selon le quotidien ibérique El Mundo, cette distinction pourrait être une alternative économique à une commande d'armement que l'Espagne aurait envisagé de passer à la France en signe de remerciement (un cadeau un peu trop coûteux en ces temps troublés).
Nicolas Sarkozy, qui connaît un début d'année 2012 tumultueux, entre mésaventures lors de ses sorties publiques et dégradation de la note française, profitait de sa visite officielle en Espagne pour faire d'une pierre deux coups. S'il n'a toujours pas dévoilé ses intentions concernant l'élection présidentielle de 2012 et le fait de briguer un second mandat à l'Elysée - sa Carla, qui vient de lui donner une fille, en sait peut-être davantage et se tient prête quoi qu'il en soit -, le chef de l'Etat français souhaitait rencontrer Mariano Rajoy, chef du nouveau gouvernement conservateur espagnol sorti des urnes en novembre dernier, intronisé le 21 décembre dernier. La rencontre devait avoir lieu après un déjeuner avec le roi, sur fond de dégradation de la note de neuf pays européens par l'agence Standard & Poor's, dont la France (un cran) et l'Espagne (deux crans).