Quelques dizaines d'ombres retranchées sous de grands parapluies noirs, remontant une allée mouillée bordée de pétales de roses blanches et de fleurs rose pâle ; un auditoire muet au pied du monument aux morts ; des paroles assignées à résidence dans le cimetière de Monaco, comme sa nouvelle résidente : c'est dans la plus grande discrétion et dans la plus stricte intimité qu'ont eu lieu, dans l'après-midi du jeudi 14 janvier 2016, les obsèques de la princesse Ashraf Pahlavi.
Décédée le 7 janvier 2016 à l'âge de 96 ans, morte dans son sommeil à son domicile "en Europe" (selon l'annonce volontairement évasive de son conseiller), la soeur jumelle du prince Mohammad Reza, dernier Shah d'Iran disparu en 1980, repose à présent en principauté. Dernier séjour d'une vie d'exil. Cette fervente avocate de la condition féminine vivait depuis deux ans, révèle le quotidien Monaco Matin, sur le Rocher, où est installé son demi-frère le prince Gholamreza (92 ans), désormais le dernier des enfants de l'ancien Shah d'Iran (1925-1941) Reza Pahlavi encore en vie.
Aucune cérémonie religieuse n'était prévue, et une soixantaine de personnes ont pris place au pied du monument aux morts du cimetière monégasque, à l'abri de la pluie battante sous des barnums, pour écouter quelques paroles à la mémoire de la défunte. Parmi elles, Farah Diba Pahlavi, sa belle-soeur. Troisième et dernière épouse du Shah Mohammad Reza, mère de quatre de ses cinq enfants, l'ex-impératrice s'est recueillie avec gravité. A 77 ans, Farah Diba a porté plus d'une fois le deuil, perdant successivement sa fille la princesse Leila, morte en 2001 à 31 ans d'une overdose aux barbituriques, et son fils le prince Alireza, qui a mis fin à ses jours en 2011 à l'âge de 44 ans alors que sa compagne Raha Didevar était enceinte de leur enfant, Iryana. Elle a le bonheur d'être la grand-mère de trois autres petits-enfants, les filles du prince héritier Reza et de sa femme Yasmine, Noor (23 ans), Iman (22 ans) et Farah (11 ans depuis le 17 janvier).
Figure bien connue du monde des amateurs d'art et des galas caritatifs, Farah Diba, qui assistait en 2011 au mariage du prince Albert II et de la princesse Charlene de Monaco, avait notamment à ses côtés Jacques Boisson, secrétaire d'Etat au palais princier, représentant le souverain, et Patrice Cellario, conseiller gouvernemental. A l'issue de cet hommage collectif plein de retenue ponctué du dépôt de roses blanches, le cercueil, recouvert de l'ancien drapeau impérial de l'Iran associé à la dynastie Pahlavi (les trois couleurs du drapeau actuel, et le lion impérial), a été emporté pour l'inhumtion dans la plus stricte intimité familiale.
Force agissante de la restauration de son frère jumeau - de cinq heures son aîné - sur le trône en 1953 et de son règne dans les longues années qui suivirent, la princesse Ashraf avait vécu en exil après la révolution islamique de 1979 et s'était affirmée comme une activiste de la cause féminine, un rôle qu'elle avait déjà embrassé dans sa patrie. Pas épargnée par les critiques, tant sur ses activités philanthropiques que sur son train de vie, elle s'est racontée dans trois ouvrages autobiographiques : Faces in a Mirror: Memoirs from Exile (1980), Jamais résignée (1981) et Time for Truth (1995).
Ashraf Pahlavi a été mariée trois fois et a eu autant d'enfants, de deux pères différents. En 1937, alors qu'elle avait 18 ans, on lui fit épouser Mirza Khan Gazam, issu d'une famille qui soutenait son père, dont elle divorça en 1942 après avoir eu un fils avec lui, le prince Shahram. Elle a ensuite été l'épouse, de 1944 à 1960, d'Ahmed Chafik, père de ses deux autres enfants, le prince Shahriar et la princesse Azadeh. En 1960, elle épousait en troisièmes noces, à l'ambassade d'Iran à Paris, Mehdi Bushehri, dont elle se sépara par consentement mutuel. La princesse Ashraf, qui confessa en 1980, dans une interview accordée au New York Times, "n'avoir jamais été une bonne mère" et "n'avoir pas beaucoup vu ses enfants à cause de son style de vie", a eu la douleur de perdre ces deux derniers - Shariar a été assassiné à 34 ans à Paris en 1979, et Azadeh est décédée à 60 ans d'une leucémie, en 2011.