Stoppée dans son envol à l'âge de 25 ans par une embolie, Sofia Gon's, décédée en août 2011, avait tout juste eu le temps d'envoyer son premier et dernier "Mayday". Titre d'ouverture de son album Le Marché des insolites (Wagram), ce signal de détresse en réalité plein de légèreté, de fantaisie et d'impertinence, à la croisée des chemins entre eighties façon Leopol Nord, soul revival version Ben l'Oncle Soul au féminin et gouaille empruntée ça et là à Catherine Ringer ou Zaz et consorts, constituait une parfaite introduction à l'univers coloré et rétro que la jeune chanteuse franco-marocaine aurait aimé faire partager au monde : un voyage (Sur les routes de l'été, Atlantique, Bye Bye...) très sixties et clinquant en compagnie d'une voix puissante et piquante, au fil de morceaux amalgamant à leur vibrant héritage soul/R'n'B/funk une pulsation pop-rock et des instrumentations parfois... insolites, évidemment, sur fond de crise, mondiale ou personnelle (Géant de la ville, Quand tu dors...).
Ce joli projet, amorcé avec le single Paris s'éveille, continue sa vie alors que celle de Sofia Moushine (son nom à l'Etat civil) est finie. Sorti en novembre dernier, l'album posthume Le Marché des insolites, dont Sofia Gon's, après un essai avorté chez Sony-BMG en 2008 (l'album Comme avant, resté au placard), a signé les textes sur les encouragements d'Akhenaton (IAM), s'est enrichi d'un clip accompagnant le single-titre. Une vidéo qui respire la joie de vivre, comme un hommage à la plénitude solaire que dégageait le chant de Sofia. Quelques images touchantes de la défunte, en studio, en webcam ou sur scène, y sont pudiquement intégrées, à mesure que la chambre de fille qui sert de décor se transforme en salon de karaoké et en salle de concert.
Touchante également, la participation très stylée, à la fin du clip, d'Abdelghafour Moushine, père de Sofia, chanteur marocain tendance soulman qui connut, sous le pseudonyme de Vigon, un certain succès, notamment dans les années 1960 (illustration dans notre player avec son interprétation de Harlem Shuffer et de Baby Our Time is My Time). Vigon, qui avait de toute évidence transmis sa passion pour la musique soul et le R'n'B à sa fille, partage d'ailleurs avec elle un duo qui ponctue l'album, intitulé Good Times.