L'américanisation de la société est partout. Dans notre vocabulaire, difficile de ne pas faire d'anglicisme à tout bout de champ. Dans le petit monde du cinéma, dominé de la tête et des épaules par les USA, l'anglais s'affiche de plus en plus. En arrivant en France, de moins en moins de titres sont modifiés. Il suffit de regarder les sorties ciné de la semaine prochaine. Si The Resident (avec Hilary Swank) est devenu La Locataire, Bad Teacher et Cars 2 ont conservé leur titre d'origine.
Pourtant, une région résiste encore et toujours à l'envahisseur : le Québec. Dans un pays à dominante anglophone, cette région canadienne fière de parler français a jalousement conservé l'habitude de traduire (presque) tous les titres qui traversent ses frontières. Même quand ils sont Lost in Translation (film qu'ils ont traduit par Traduction Infidèle). Pour célébrer dignement ces résistants, voici un petit florilège (pour ne pas dire best-of !) des traductions en québécois de titres américains devenus mythiques !
Ce n'est (pas) que pour les enfants !
Même en France, il est rare que nous ne traduisions pas les titres anglais de films pour jeune public. Et pour cause : quel enfant comprend un titre aussi banal que Toy Story ? C'est la raison pour laquelle le Canada a opté pour un titre alléchant : Histoire de jouets ! 1001 Pattes s'est transformé en un succulent Une Vie de Bestioles, Le Monde de Nemo a bifurqué en un rigide Trouver Nemo, tandis que Chicken Run a fait fort. Alors qu'en France, on a conservé le titre anglais, par défaut d'inspiration peut-être, les Québécois ont opté pour mot à mot : Poulets en fuite ! Mmmmh ! On adore autant que le film Cars, traduit par Les Bagnoles.
Toujours dans la même catégorie, le film Beetlejuice fait fort, en se transformant en Bételgueuse ! Assurément, les Canadiens sont plus proches que nous des Américains, même au niveau du vocabulaire. Si les Men in Black deviennent sobrement Les Hommes en Noirs grâce à l'imagination débordante des traducteurs du Québec, Le Professeur Foldingue change du tout au tout pour s'appeler... Nigaud de Professeur (pauvre Eddie Murphy), et les Rasta Rockett régressent en devenant Les Apprentis Champions. Happy Feet, ce formidable film de pingouins, se transforme lui en Les Petits Pieds du Bonheur par les plumes congelées du pays à la feuille d'érable.
Des suites dans les idées
Les films en plusieurs chapitres, eux aussi, jouissent de traductions de haute voltige. Si je vous dis Décadence, un film qui a connu son septième opus fin 2010 vous me dites ? Saw ! Scary Movie, traduit littéralement, devient au Québec Film de Peur, un classique. Et saurez-vous trouver quel film se cache derrière Folies de Graduation 1 et 2 ? C'est American Pie, et ne nous demandez pas pourquoi ils ont fait ce choix pour le moins aberrant. Parfois, un titre anglais, sans être parfait, vaut le coup d'être conservé. Car le pauvre Denzel Washington de Man on Fire devient L'Homme en Feu, et Julia Roberts de Pretty Woman joue au Québec dans Une Jolie Femme.
D'autres réécritures sont encore plus hilarantes, comme Rock n' nonne pour Sister Act, ou L'Agent Fait la Farce pour la série des Y a-t-il un flic pour sauver...? Le premier Terminator avait même été rebaptisé Terminateur ! Mais cette fois-là, les Québécois n'ont pas assumé jusqu'au bout et sont rentrés dans le rang dès le deuxième film avec Arnold Schwarzenegger en robot. En parlant du chiffre 2, le second Fast and Furious, resté 2 Fast 2 Furious en France, s'est promptement mué en Rapides et Dangereux 2 au Québec. Pas très porteur, n'est-ce pas ?
Last but not least... Le meilleur pour la fin ?
Pour finir en beauté, centrons-nous sur ces traductions mythiques qui restent collées au cerveau comme la brillantine reste associée à John Travolta dans Grease. Euh, pardon, dans Brillantine, tel que le film est intitulé dans le Canada francophone ! Patrick Swayze n'a pas été épargné puisqu'il a joué dans Dance Lascive (Dirty Dancing). Robert De Niro était Comme un Taureau Sauvage dans Raging Bull, et Brad Pitt faisait partie du Commando des Bâtards dans Inglorious Basterds.
Cameron Diaz, géniale dans Mary à Tout Prix, doit être contente. Chez nos cousins canadiens, on l'a rebaptisée Mary a un je-ne-sais-quoi. Et force est de constater que ce n'est pas faux ! Les Ailes de l'Enfer se sont transformés en Air Bagnards. On en redemande et se sont les vieux briscards de The Expendables qui sont sacrifiés en devenant... Les Sacrifiés. La Palme d'Or de la meilleure traduction revient peut être au film Pulp Fiction, qui finit en Fiction Pulpeuse. Inénarrable !
Voilà une série qui, on l'espère, vous mettra Du Soleil Plein la Tête, comme ce titre imprécis issu du sublime Eternal Sunshine of the Spotless Mind (qui se traduit littéralement par "L'éclat éternel d'une âme immaculée"). Car le titre de ce film de Michel Gondry est une citation du poète Alexander Pope (non modifiable donc). Mais, pour finir sur une bonne note, la traduction a parfois du bon. La France a réussi un très bon Austin Powers : L'Espion qui m'a Tirée (fidèle au The Spy who Shagged Me américain), le Québec a opté pour Austin Powers : L'Agent 00 Sexe. Et moi ce soir, je me refais le grand Tuer Bill de Quentin Tarantino !
Ô Canada, ta traduction nous met en joie !
Clément Razgallah