Pas de wifi, pas de paiement en carte bleue, pas de télévision dans les chambres... pendant des décennies, l'hôtel Cap-Eden-Roc était un établissement paradisiaque mais coupé du monde, au propre, comme au figuré. Comme si le temps s'était arrêté dans cet établissement fondé en 1870 et qui au début du siècle dernier servait de refuge à Hemingway, Picasso, Chaplin, Marlene Dietrich ou aux Windsors. Ce temps-là est révolu. On ne peut pas se prévaloir d'être l'un des plus beaux palaces de la planète sans que les attributs du confort soient au rendez-vous. Pour autant, cet hôtel situé sur la commune d'Antibes a gardé un charme, une atmosphère et son fidèle personnel, un savoir-faire, qui font de lui un repaire incontournable pour les stars, un havre de paix -presque dissimulé des regards- loin du tumulte qui prend possession de la Croisette durant le Festival de Cannes.
Brad Pitt et Angelina Jolie, du temps de leurs amours, y ont séjourné, en quête de tranquillité. Harvey Weinstein, avant sa chute, en avait fait l'annexe de son bureau, signant des contrats sur des caisses de soda ainsi que le racontait en 2020 le barman de l'hôtel à nos confrères de Paris Match. Depuis, le producteur est en prison, même si une récente décision a bouleversé ses victimes. Nicole Kidman, Julia Roberts, Matt Damon, Sharon Stone, George Clooney, Quentin Tarentino, s'y croisaient et s'y retrouvent encore, rejoints aujourd'hui par des Kendall Jenner, Paris Hilton ou Rihanna... Comme une migration saisonnière, qui verrait le tout Hollywood prendre ses quartiers dans ce lieu privilégié à propos duquel Baudelaire pourrait avoir écrit le célèbre vers de son Invitation au voyage : "Là, tout n'est qu'ordre et beauté, Luxe, calme et volupté."
Luxe, évidemment. Le wifi est là, désormais, de même que la célèbre piscine chauffée creusée dans la roche et donnant sur la mer, les petites cabanes privatives dans la pinède, le spa -ou plutôt le Dior Spa Eden-Roc- et son morning détox avec séance de yoga, soins et petit-déjeuner pour 655 euros, le restaurant étoilé qui propose un menu dégustation à 445 euros par personne, sans parler du grill, du champagne lounge, du juice bar, ou du bateau Riva qui fait la navette avec Cannes moyennant 500 euros... Des montants qui ne sont évidemment pas à la portée de toutes les bourses. De toute façon, la règle est simple : pendant le festival, la réservation se fait pour 12 jours... ou pas du tout. Et généralement, ce sont les grands studios hollywoodiens qui se chargent des bookings pour leurs célèbres artistes.
Pour ce qui est du calme et de la volupté, le personnel s'occupe de tout. A l'hôtel Cap-Eden-Roc, il va de soi que le client est roi. Même si jadis, la réservation de Bruce Willis -qui va de plus en plus mal- pour 30 personnes, et qui avait débarqué avec 300 convives ou les déambulations de Kate Moss -dont la soeur Lottie semble prendre le même chemin qu'elle- en bikini dans le lobby, avaient mis le personnel sur les dents.
© Abaca
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce ne sont pas les chambres avec vue sur mer qui sont les plus prisées, la mer étant en cette période particulière, le poste d'observation privilégié d'une horde de photographes en quête de cliché croustillant. Selon l'adage bien connu, "pour vivre heureux, vivons cachés", ce sont donc les logements situés plus en retrait, dans la pinède, qui ont les faveurs des people. Guillaume Canet et Marion Cotillard dont le couple semble avoir retrouvé toutes ses couleurs, le savent bien. Ils y ont leurs habitudes. D'autres sont moins pudiques, qui régulièrement dévoilent au bord de l'eau leurs corps de rêve. Des corps qui s'étalent quelques jours plus tard dans les pages des magazines...
Parmi les habitués, une foule de riches anonymes dont certains réservent 2 ou 3 chambres pour les deux mois d'été. À 1500 euros la nuit la "chambre supérieure" de 32m2, il faut avoir les moyens. Parmi les pensionnaires qui viennent de longue date, Robert de Niro, "que tout le monde adore ici", confiait à Paris Match Gilles Bertolino chef concierge des lieux depuis trente-quatre ans. Le comédien américain participe souvent à la fête annuelle de Vanity Fair, organisée dans l'hôtel durant le Festival. Car comme tous les établissements de ce type, l'Eden-Roc est privatisable. "Il y a eu des mariages hallucinants et je n'ai jamais vu de ma vie autant de Cheval Blanc et de Dom Pérignon en une soirée, raconte encore le concierge de l'établissement. Sur un même mariage, vous pouviez avoir Lionel Richie, Chris Martin et Charles Aznavour en spectacle. Et le cachet cumulé de ces stars dépasse largement le prix de mes chambres... "
Durant la quinzaine, un autre gala de luxe monopolise l'établissement, le célèbre dîner de l'amFAR, servi à l'Eden-Roc depuis 2009 et qui voit défiler les plus grandes stars mondiales. Créé en 1985 par Elizabeth Taylor, l'American Foundation for AIDS Research est une des plus importantes fondations mondiales pour le financement de la prévention et de la recherche médicale contre le sida. Ce jeudi 23 mai 2024, nul doute qu'une foule de stars participera au 30e anniversaire du gala, présidé cette année par Demi Moore, avec Cher, en invitée exceptionnelle. Ticket d'entrée minimum, dit "de soutien" : 25 000 euros. Ceux qui souhaitent venir en groupe pourront toujours s'offrir le ticket dit "du grand philanthrope" moyennant 450 000 euros. C'est pour la bonne cause. Il y a 2 ans, Eva Longoria s'y était particulièrement lâchée. Lorsque la saison sera terminée, le palace fermera ses portes pour 6 mois et s'offrira une cure de jouvence. Chaque année, 7 millions d'euros sont dépensés pour lui refaire une beauté. Le prix de l'exception.
play_circle
