C'est l'extinction d'une sainte trinité du jazz : près de 24 ans après Thad (Thaddeus), quasiment 6 ans jour pour jour après Elvin, Hank Jones est mort. Le jazz pleure ainsi le dernier membre d'une fratrie légendaire (un "trio" issu d'une fratrie de dix enfants), avec le décès, dimanche 16 mai, du fameux pianiste américain.
Selon une annonce faite depuis Montreal par son agent Jean-Pierre Leduc, Hank Jones, admiré autant pour son élégance et son talent de musicien que pour l'opiniâtreté et l'énergie dont ses 66 ans de carrière et ses productions (jusqu'à encore tout récemment) témoignent, s'est éteint dans un hôpital de New York des suites d'une brève maladie ; à ce propos, M. Leduc a tenu à signaler que le cancer de la prostate dont souffrait le pianiste n'est pas la cause principale de sa disparition. Hank Jones avait 91 ans.
Repéré par Lucky Thompson alors que, adolescent, il s'illustre dans son Etat du Michigan, il est introduit dans le milieu du jazz new-yorkais auprès du trompettiste Hot Lips Page (Oran Thaddeus Page) et affine son art au contact de la vague des ténors du bebop. De 1948 à 1953, il accompagne Ella Fitzgerald et enregistre quelques pièces fondatrices avec le grand Charlie Parker, dont le morceau The Song is you.
Artie Shaw, Benny Goodman, Lester Young, Cannonball Adderley, Wes Montgomery : les collaborations se multiplient, et les dons d'Hank Jones, son talent éclatant de soliste, sa sensibilité d'accompagnateur, en font un pianiste extrêmement demandé - sa résidence de pianiste de CBS de 1959 à 1975 en atteste. Le 19 mai 1962, c'est lui qui était au clavier lorsque Marilyn Monroe chantait Happy Birthday Mr. President au Madison Sqaure Garden.
S'illustrant en formations au cours des années 1970 - une décennie où il se mit en évidence avec le musical Ain't Misbehavin' basé sur une musique de Fats Waller -, Hank Jones est demeuré actif et productif jusqu'à la fin, tant en concert qu'en studio, et a reçu en 2008 la Médaille des Arts et en février 2009 un Grammy consacrant l'ensemble de son oeuvre.
On se souviendra, grâce à une interview accordée au Monde en juillet 2009 et relue par lepoint.fr, que, à la question de savoir s'il était un géant du jazz, il avait répondu : "non, peut-être en suis-je un nain appliqué".