Juliette Binoche en avril 2011.© Abaca
Cela faisait plus de vingt ans qu'elle n'était pas montée sur les planches. La dernière fois, c'était à l'Odéon, en 1988, avec La Mouette d'Anton Tchekhov. Dans le cadre du Festival d'Avignon, Juliette Binoche incarne chaque soir, au Gymnase Aubanel, l'héroïne Mademoiselle Julie, du dramaturge suédois August Strindberg, revue par Frédéric Fisbach.
Quelques jours avant le coup d'envoi du spectacle, la comédienne confiait à l'AFP : "Je suis heureuse d'être là mais j'ai la trouille". "Au cinéma c'est différent, une caméra ça ne me fait pas peur, mais au théâtre, moi, je suis impressionnée par les gens parce que c'est pas 500 personnes mais c'est 500 caméras. Parce que chaque personne a son propre metteur en scène", précisait-elle. Au vu des critiques, impossible de discerner si elle avait raison d'être effrayée... ou pas.
Selon Le Figaro, qui décrit l'adaptation du "chef-d'oeuvre de Strindberg" comme étant "sans âme ni chair" et un véritable "massacre", la comédienne française est "à côté de la plaque" et "trébuche sur les mots comme une débutante". Face à Nicolas Bouchaud (alias Jean) et Bénédicte Cerutti (alias Kristin), elle est, selon le quotidien, passée très loin de "la subtilité, la complexité et la profondeur psychologique" du texte. L'article incisif et tranché est sans appel. Le résultat d'une inimitié entre Juliette Binoche et la publication ? Eu égard de la nuance inexistante dans le papier, on peut se poser la question.
D'autant plus que les autres médias sont, non pas factuels ou atténuants pour pratiquer la délicatesse face à cette grande figure du cinéma français, mais plutôt dithyrambiques. A l'instar de Télérama.fr, le quotidien Libération salue en effet le retour de la douce brune ! "Beaucoup peuvent aller se rhabiller : ce n'est pas tous les soirs qu'on est témoin d'une aussi magistrale leçon d'intelligence du théâtre", écrit le journal. "Dans sa façon de souffler simultanément le chaud et le froid, dans sa capacité à tout canaliser, même quand elle se lâche, elle rappelle par moments une Isabelle Huppert", ajoute-t-il. Le fait que la publication ait été à la rencontre, le lendemain de la première, de la comédienne (qui a travaillé ardemment sur le projet, dit-elle), serait-il à l'origine de cet éloge, la connivence et le feeling avec les artistes jouant fréquemment sur ce qu'une plume écrivent d'eux ?
Après ces avis extrêmement éloignés, comment se faire notre propre opinion lorsque l'on se trouve dans l'incapacité de s'installer face à Mademoiselle Julie ce mois-ci en à Avignon ? Rien de plus aisé : la pièce a fait l'objet d'une recréation pour la télévision, réalisée au moment des répétitions, chaque scène étant jouée d'une part pour le théâtre d'autre part la télévision. Le film sera diffusé sur France 2 le 26 juillet prochain et retransmis sur un écran géant au pied de la muraille du Palais des Papes.
Le public pourra donc juger lui-même, s'il adhère ou s'il reste de marbre devant la prestation de l'actrice.
Laureline Reygner
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