Quand le groupe le plus réfractaire du moment, mancunien de surcroît, se lance dans la promo outre-Atlantique sur le plateau de l'un des talks shows les plus institutionnels au pays de l'Oncle Sam, le résultat est forcément décalé.
WU LYF (prononcer Woo Life - acronyme hommage au Wu-Tang Clan, pour World Unite! Lucifer Youth Foundation), véritable ovni issu du Nord de l'Angleterre et qui avait agité l'été français 2010 (MIDI Festival, Transmusicales de Rennes) pour l'une des premières expatriations du groupe hors du sol britannique, a livré une prestation assez marquante lors du Late Show with David Letterman du 4 janvier 2012, sur CBS. Pourtant rompu à tout en bientôt 20 ans de ce show vespéral fréquenté par des invités de tous horizons et de toutes humeurs, l'animateur américain de 64 ans ne pouvait qu'en rire, en présentant ces agités du bocal so british, qui ont retourné le plateau avec leur Heavy Pop - à la fois le nom de leur single phare et la manière dont ils décrivent leur musique - tapageur et inspiré, extrait d'un premier album, Go Tell Fire to the Mountain, paru en juin 2011 outre-Manche.
La fin du set est assez improbable : riant nerveusement de l'extravagance des Anglais et présentant conventionnellement l'album, David Letterman se fait snober par le batteur, seul des musiciens à ignorer totalement sa main tendue, et reste le bec dans l'eau, ne sachant quoi dire (à part une vanne désespérée sur le batteur), tandis que le quatuor mancunien - Ellery Roberts (chant, claviers), Evans Kati (guitare), Tom McClung (basse), Joe Manning (batterie) - déserte rapidement le plateau, sans un mot. Une sortie abrupte parfaitement en accord avec la mentalité d'un groupe archi-mystérieux, qui avait fait sensation en... refusant toute interview à ses débuts (et en voyant sa page Wikipedia supprimée "faute de pertinence" !).
Véritable phénomène de la scène indie depuis la parution, simultanée à la création de la communauté masquée Lucifer Youth Foundation, des singles Concrete Gold et Heavy Pop, WU LYF, qui ne communiquait initialement que par énigmes-Tumblr, va désormais avoir du mal à se cacher, et doit sacrifier à un minimum d'obligations promo son obsession du retrait afin de présenter Go Tell Fire to the Mountain, un album auto-produit et enregistré fin 2010 dans l'église Saint-Pierre de Manchester. A lire notamment, une interview très riche du frontman Ellery Roberts sur About.com, datée de juin 2011.
Depuis, leurs shows incroyablement intenses, transcendants, ont plaidé pour eux, l'album a été encensé (notamment par Pitchfork) et le morceau Dirt qui y figure désigné "chanson la plus hot du monde" par Zane Lowe, référence musicale de BBC Radio 1.
"WU LYF is nothing", assène le site officiel du groupe. C'est beaucoup, pourtant.
G.J.