On attendait que Roman Polanski fasse un Carnage, avec son adaptation du Dieu du carnage de Yasmina Reza applaudie et portée par une distribution remarquable (Kate Winslet, Jodie Foster, John C. Reilly et Christoph Waltz), mais c'est une autre réalisation adaptée d'un chef-d'oeuvre littéraire qui a eu les faveurs du jury : la 68e Mostra de Venise a décerné samedi soir 10 septembre 2011 le Lion d'Or au Russe Alexandre Sokourouv, pour son Faust.
C'est seulement la deuxième fois dans l'histoire de la grand-messe de la Cité des Doges que sa prestigieuse distinction va à un réalisateur russe, après le couronnement d'Andreï Zviaguintsev en 2003 pour Le Retour.
Evidemment inspiré du Faust de Goethe, le Faust de Sokourov, présenté en début de mois et servi par les prestations des acteurs Johannes Zeiler et Anton Adasinskiy, vient clore une tétralogie sur les dictateurs, le pouvoir et la folie humaine initiée en 1999 avec un portrait d'Adolf Hitler (Moloch), suivi d'un volet consacré à Lénine (Taurus) et d'un troisième portant sur Hirohito (Le Soleil). Entre ces deux dernières réalisations, il s'était illustré avec L'Arche russe, une utopie de Russie qui avait pour particularité d'être constituée d'un seul plan séquence de 96 minutes tourné au Musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg, et Père, fils, écho au film de 1996 qui l'avait révélé mondialement, Mère et fils.
Disciple de Tarkovski, longtemps censuré par les autorités soviétiques mais approuvé par Vladimir Poutine dans son dernier projet, Alexandre Sokourov met en scène avec Faust, film en costumes dans des décors reproduisant l'Allemagne du XIXe siècle, la quête effrénée de pouvoir et d'amour du Dr Faust (Johannes Zeiler) dans une atmosphère infecte où règne le mal, incarné par Anton Adasinskiy. Outre l'esthétique oppressante de ce long métrage, le jury présidé par Darren Aronofsky a de toute évidence été sensible à la réflexion politique sur la place et la destination de l'homme dans le monde, réflexion cruciale au regard du contexte politique et économique global.
Le Lion d'argent de la mise en scène a été attribué au Chinois Cai Shangjun pour Ren Shan Ren Hai, tandis que le Prix spécial du jury est allé à une production italienne, Terraferma, d'Emanuele Crialese.
A noter que la Coupe Volpi, le prix d'interprétation vénitien, a été décerné à Michael Fassbender (Inglourious Basterds) pour Shame de Steve McQueen chez les hommes, et à Deanie Yip pour Taojie (Une vie simple) d'Ann Hui.
Hier, Marco Bellocchio avait été honoré d'un Lion d'or pour l'ensemble de son oeuvre, et le film Présumé coupable porté par Philippe Torreton sur l'affaire d'Outreau désigné meilleur film européen.