La 65e édition du Festival d'Avignon, rendez-vous estival du théâtre et de la danse, démarrera mercredi 6 juillet, dans une ambiance enjouée et chaleureuse, comme chaque année depuis son lancement en 1947. Cependant, si la manifestation a des allures d'immense fête culturelle durant laquelle la sensibilité, le partage et la créativité sont les maîtres-mots, certaines personnalités regrettent, en coulisses, certains choix des organisateurs.
Dans une interview accordée au Figaro à l'approche de l'événement, le comédien Fabrice Luchini, passionné de textes de La Fontaine, de Nietzsche ou encore de Céline, Paul Valéry et Roland Barthes, a dénoncé : "Je rêve théâtre et grands textes, à Avignon, pour Avignon et son public. Aujourd'hui, j'en suis très éloigné. J'ai le sentiment que c'est désormais le lieu d'une secte qui rejette les grands textes." Son courroux naît du fait que peu de spectacles issus du patrimoine culturel et littéraire français sont programmés dans le festival "in", au profit de pièces élitistes au sens parfois si pointu que seul l'auteur en connaît toutes les clés.
Sous le titre La liste noire du Festival d'Avignon, le quotidien présente les importantes figures populaires oubliées de ce qui est l'un des événements théâtraux les plus importants du monde. Y sont cités la Comédie-Française, qui n'apparaît pas dans la programmation, Christian Schiaretti (mal-aimé des directeurs), l'acteur Pierre Arditi - comédien chaque année salué sur les planches -, l'écrivain Molière, le directeur du Théâtre de la Ville Emmanuel Demarcy-Mota seulement présent grâce à des coproductions, ou l'auteur francophone contemporain Eric-Emmanuel Schmitt, pourtant si populaire, toujours relégué au festival "off".
Hortense Archambault et Vincent Baudriller, aux commandes de l'événement depuis 2003 et jusqu'en 2013, ont programmé 35 grands spectacles en Avignon, dont 22 sont des créations et 15 ont été conçus spécialement pour le festival. "On défend vraiment cette idée d'Avignon comme un endroit du risque de la création, qui est partagé par les artistes et par le public", ont-ils assuré à l'AFP. "Le festival ne se situe pas dans le pur divertissement", relève Vincent Baudriller. "Les spectacles proposés sont des gestes artistiques venant d'artistes qui ont conscience du monde et qui essayent d'inventer leur langage pour interroger notre société, la condition humaine", a-t-il ajouté.
Si l'innovation et l'ouverture sont des idées légitimes à défendre, elles cohabitent également avec un flagrant élitisme. A propos de cette ligne directrice qui surfe selon lui sur un souci "d'être à la mode, de la suivre ou de l'inventer", Gérard Gelas, aux commandes du Théâtre du Chêne noir, la qualifie de "suicidaire".
Dans deux jours, le rideau se lèvera et un mois de folie théâtral se profilera. Espérons que le public soit au rendez-vous et grandement satisfait malgré la polémique.