Triste nouvelle pour le monde de la musique. Hospitalisé depuis plusieurs jours à Pointe-à-Pitre, après avoir été contaminé par le coronavirus, Jacob Desvarieux est finalement décédé vendredi 30 juillet 2021. Le guitariste guadeloupéen est mort à l'âge de 65 ans. Il était l'un des fondateurs du groupe Kassav', monument aux Antilles, qui a connu un énorme succès dans les années 80 en mélangeant des musiques locales pour créer un style, le zouk.
Comme l'a rappelé l'AFP, de santé fragile depuis une greffe rénale, le musicien avait été hospitalisé le 12 juillet dernier à Pointe-à-Pitre après avoir contracté la Covid-19. Parmi les nombreuses réactions à son décès, celle du judoka guadeloupéen Teddy Riner qui, en plein Jeux Olympiques, a rendu hommage à "une immense voix des Antilles", tandis que l'ancienne ministre Christiane Taubira, originaire de Guyane, disait sa tristesse, se remémorant "sa voix, sa dégaine, son talent, sa joie, ce sourire, cette inclinaison de la tête et même sa salopette des débuts".
Sur Instagram, Yannick Noah a quant à lui témoigné : "Oh non !!! Fuck !!! Et merde !! Ça fait chier !!! Un GÉANT nous a quitté. RIP JACOB ! Love et condoléances à ta famille." De son côté, le chanteur sénégalais Youssou Ndour a commenté sur Twitter : "Les Antilles, l'Afrique et la musique viennent de perdre l'un de ses plus grands Ambassadeurs. Jacob grâce à ton art, tu as rapproché les Antilles à l'Afrique. Dakar où tu as vécu te pleure. Adieu l'ami."
Kassav' (en référence à la cassave, une galette de manioc) est fondé en 1979 par des artistes guadeloupéens, Pierre-Edouard Decimus (du groupe Les Vikings de la Guadeloupe) et Freddy Marshall. Ils recrutent d'autres musiciens, dont Desvarieux, né en 1955 à Paris et qui, comme guitariste, revendique des influences rock, de Chuck Berry à Jimi Hendrix. La base du style du groupe est le gwo ka, musique guadeloupéenne marquée par les tambours. Il y ajoute d'autres ingrédients venus de toutes les Caraïbes - compas haïtien, biguine... - et un emballage moderne, avec de la basse, des cuivres et des claviers.
A travers notre musique, nous interrogions nos origines
Le premier album de Kassav', Love and Ka dance, sort en 1979. 1980 marque la première apparition dans le groupe de celle qui en deviendra l'emblème: la chanteuse martiniquaise Jocelyne Béroard. Kassav' atteint le pic de sa popularité à la fin des années 80. Il signe un contrat avec la multinationale du disque CBS, sort l'album Vini Pou en 1987 (disque de platine) et reçoit une Victoire de la musique en 1988.
"Au départ, c'était un laboratoire: nous cherchions à trouver une bande-son qui fasse la synthèse de toutes les traditions et sons antérieurs, mais qui soit exportable partout", avait raconté le musicien au journal Libération en 2016. Un cocktail qui donnera naissance à des tubes festifs et dansants chantés en créole, comme Zouk la sé sèl médikaman nou ni (1984, sur un album que Desvarieux cosigne avec un autre fondateur de Kassav' mais qui ne sort pas sous le nom du groupe) ou Syé bwa (1987). "A travers notre musique, nous interrogions nos origines. Qu'est-ce qu'on faisait là, nous qui étions noirs et parlions français ?", expliquait à Libé Desvarieux, la voix douce et voilée et les cheveux blanchis par les années.