Avec ses tenues noires, ses chapeaux excentriques, mais surtout ses romans salués par la critique et qui mêlent sa vie privée, ses passions et des sujets brûlants, difficile de passer à côté d'Amélie Nothomb et de sa trentaine de romans en tout genre. Mais le dernier, Psychopompe, aborde un sujet difficile, qu'elle a tu pendant trop longtemps : le viol subi à l'âge de 12 ans par quatre hommes, alors qu'elle était en vacances au Bangladesh.
En interview pour nos confrères du magazine ELLE, elle a d'ailleurs accepté de raconter ce moment difficile, qui l'a traumatisée longtemps. "Je n'avais pas vu les quatre hommes arriver, je ne comprenais même pas ce qu'il se passait, je sentais des mains innombrables qui m'attiraient sous l'eau et m'ont fait tout ce que l'on peut faire. J'ai vraiment cru que j'allais mourir mais ce qui l'emportait, c'était la terreur, il m'a fallu un siècle pour crier, ma mère est arrivée en courant, ce qui les a fait fuir", se souvient-elle de cet épisode, qui s'est donc déroulé en 1978.
Et c'est sa mère, justement, qui la sauvera ensuite du naufrage total. Alors que personne n'a rien dit pour l'aider, celle-ci prononce simplement les mots "Pauvre petite !", qui font exister officiellement le viol dans la tête de l'adolescente. "Ces deux mots attestaient de ce qui venait de m'arriver, sans eux je me serais accusée de ce qu'il venait de m'arriver, sans eux, je me serais accusée de l'avoir invité, et à cette chose déjà très culpabilisante se serait ajoutée la culpabilité d'avoir menti", raconte-t-elle d'ailleurs.
"Y laisser ma peau"
Mais si cet épisode est dramatique pour elle, les conséquences sont bien plus terribles : tombée en dépression durant neuf mois, elle finit par devenir anorexique. Et tout cela va durer pendant dix ans, jusqu'à un voyage au Japon. "Ces neuf mois ont de très loin été les plus horribles, c'était l'horreur tout le temps, c'était en boucle dans ma tête : je suis dégradée, disqualifiée, je ne vaux plus rien, cette vie ne vaut plus rien" relate-t-elle d'abord à nos confrères de ELLE.
Avant d'expliquer que bizarrement, c'est son anorexie qui a fini par la "ramener du côté de la vie". "J'ai cessé de manger et c'est terrible à dire mais dans mon cas, ça a été une très bonne idée, ça a agi comme une espèce de chimiothérapie sur ce qui m'était arrivé. J'ai bien failli y laisser ma peau, j'ai souffert comme un chien mais dès l'instant où j'ai mis cette machine en branle, le problème précédent s'éloignait, jusqu'à ne plus exister. Ça m'a sauvée de ça, je n'étais plus cette personne à qui ceci était arrivé, je la tuais en moi". Un témoignage fort, qui lui a servi pour son nouveau roman...