

Aujourd'hui, pour un homme politique, montrer sa face intime est devenu incontournable, notamment lorsque l'on veut se faire élire des Français pour la présidence de la République. La carte tendresse reste toutefois difficile à jouer pour celui qui est candidat à la primaire à droite, Alain Juppé. Dans le livre que lui consacre Gaël Tchakaloff, Lapins et merveilles (éditions Flammarion), on découvre, à travers les propos de sa famille, un homme... particulier. Les bonnes feuilles sont publiées dans L'Express : les confidences sont sans détour, notamment celles de ses enfants qui, c'est le moins que l'on puisse dire, ne lui font pas de cadeau !
Quand on vit avec lui, il ne sait plus comment aimer.
Selon sa première femme, Christine Leblond qu'il a épousée en 1965, celle avec qui il aura ses enfants Laurent (49 ans) et Marion (43 ans), la relation d'Alain Juppé avec l'amour est compliquée : "Nous avons eu une relation passionnée, passionnelle, mais ensuite, quand on vit avec lui, il ne sait plus comment aimer." Certes, il s'agit de son ex-femme, rien d'étonnant à ce qu'elle ne le ménage pas. Toutefois, son actuelle épouse depuis 1993, Isabelle Legrand-Bodin, ne l'épargne pas davantage : "Il donne tellement sur le terrain de l'intelligence qu'il lui reste très peu à donner ailleurs." Sa personnalité sera toutefois analysée avec plus de bienveillance dans ce même ouvrage : "Ce qui caractérise le plus Alain, c'est son sang froid, y compris dans son rapport aux êtres. En dehors d'un petit cercle proche où l'émotion prime sur la raison, sur tout le reste, Alain fait prévaloir la raison sur l'émotion. Ce ratio émotion-raison est la clef d'Alain." Et d'ajouter que c'est un personnage qui "impressionne, qui intimide. En réalité, il anticipe son besoin de protection parce qu'il est ultrasensible".
Je l'ai emmerdé comme il n'est pas permis d'emmerder un père.
De la part de ses enfants, le discours est encore plus dur voire violent. Laurent Juppé confie en effet que son père est "un handicapé des rapports humains. C'est un être solitaire. Les amis, ce n'est pas important pour lui. La famille, si. Je lui ai présenté certains de mes amis mais il ne s'en souvient pas. Il ne se souvient pas déjà des siens". Le coup de grâce sera porté par sa fille Marion, on imagine aisément que leur relation a dû être conflictuelle pendant sa jeunesse : "Mon père, il ne laisse pas de places aux autres, il n'écoute pas, même en famille. (...) L'amour et les sentiments, on n'en parle jamais... J'ai l'impression de n'avoir reçu aucune affection de sa part, dans l'enfance. L'impression d'avoir eu un père trop froid, trop absent, super-rigide, qui n'était pas intéressé par les enfants, même si je suis persuadée qu'il m'a aimée. Du coup, je l'ai emmerdé comme il n'est pas permis d'emmerder un père. On s'est retrouvés à l'âge adulte."
Des paroles qu'elle a ensuite tenu à nuancer auprès de l'auteur : "Après réflexion, je peux dire qu'en fait, mon père a vraiment essayé d'être présent au cours de ma jeunesse, mais moi, j'étais dans l'opposition à l'autorité forte qu'il incarnait."
