L'histoire de l'avènement d'Asa au monde de la musique semble tenir en quelques lignes, mais l'impact de son arrivée a été inversement proportionnel. La chanteuse nigériane a fait un aller-retour gagnant Paris-Lagos-Paris (naissance en France, adolescence au Nigéria, retour en Hexagone après avoir pris le tremplin d'un programme artistique), révélant en 2007 son premier album, éponyme.
Où l'on découvrit sa voix magique, grainée, expressive et volontiers acrobate, décrivant d'agréables volutes sur la toile de fond d'une soul et d'une folk music africaine délicate et bien tempérée. Porté par les titres Jailer et Fire on the mountain, ce premier essai sera converti : le prestigieux et très révélateur Prix Constantin lui sera décerné en 2008, et 300 000 copies en seront vendues.
Le grand écart s'est depuis poursuivi : Asa rapportait récemment de Lagos un bouquet de chansons, toujours en anglais et en yoruba, et retrouvait le chemin du studio de Montreuil (Le Chantier) qui avait vu naître son premier effort, ainsi que la plupart de ceux qui oeuvrèrent dessus. Beautiful Imperfection, second album d'Asa qui enregistre l'arrivée de Benjamin Constant à la réalisation, paraîtra le 25 octobre 2010 (trois jours auparavant, la chanteuse de 28 ans ouvrira avec ses nouvelles compositions les Nuits Zébrées de Radio Nova à la Bellevilloise.
Déjà en écoute sur Deezer, pour les plus impatients, on y entre par Why can't we, qui porte en lui, déjà, toute la signature sémantique de cet album, cette "belle imperfection" dont il est question : illuminée par un refrain vivace et léger, qui pioche allègrement ses choeurs et ses cuivres dans des sixties optimistes tandis qu'une guitare électrique ultra-tendre sinue sur les hauteurs, la chanson donne le ton et la profondeur du tout. Autre angle, plus désabusé, mais même subtilité des arrangements avec Maybe, qui suit. Plus loin, on savourera une flamme héritée du gospel, avec Preacher man, chantée sans emphase sur une musique ample. Mais auparavant, on aura eu droit à cet ébouriffant et inattendu flirt Motown : Be my man (ci-dessus, le clip délicieusement vintage signé Raphaël Frydman). Le bien balancé Bimpé, le feutré The way I feel aux allures de standard soul de fin de concert en jazzclub, au bout de la nuit, Ok Ok, qu'on imagine aisément envolée majestueuse et sereine au-dessus de terres arides, le très dansant Dreamer girl qui s'habille d'effets (percu, électro) de dancefloor sage... La patte de l'ingé son Tchad Blake (Peter Gabriel, Elvis Costello, The Dandy Warhols ou encore Al Green) n'est sans doute pas pour rien dans ces différentes fantaisies bien maîtrisées, et ces beaux ensembles bien ouvragés.