Triste journée pour le cinéma. Tout comme John Hurt, l'éternel Elephant Man, Emmanuelle Riva s'en est allée en cette fin du mois de janvier. L'actrice française est décédée dans l'après-midi du vendredi 27 janvier, à Paris, à l'âge de 89 ans des suites d'un cancer, indique Le Monde.
Engagée dans une lutte secrète contre la maladie - seuls ses amis les plus proches le savaient -, la grande dame du cinéma français, d'une extrême pudeur, n'a jamais voulu s'arrêter de travailler. Pour preuve, elle se trouvait en Islande l'été dernier pour tourner un film et avait donné un spectacle à la Villa Médicis, à Rome. Ne voulant surtout pas penser au clap de fin, Emmanuelle Riva continuait d'étudier toutes les propositions qui lui étaient adressées.
Véritable combattante, l'actrice a marqué les esprits, et les coeurs, avec plusieurs longs métrages dont les incontournables Hiroshima mon amour (1959), d'Alain Resnais, et Amour (2012), de Michael Haneke , qui lui a valu le César de la meilleure actrice en 2013, reçu des mains d'un Omar Sy impressionné et conquis. Humble et touchante du haut de ses 86 ans, Emmanuelle Riva avait reçu une standing ovation de la part du public du théâtre du Châtelet pour cette consécration. C'est pour ce même rôle - d'un professeur de piano victime d'une attaque cérébrale qui la laisse pour partie paralysée - que la comédienne avait été nommée dans la catégorie "meilleure actrice" aux Oscars 2013.
Alors qu'elle s'était rendue à Hollywood pour assister à la prestigieuse cérémonie, Emmanuelle Riva n'avait pas été tendre avec l'événement, qu'elle n'avait pas hésité à qualifier de "foire d'empoigne". "Les gens ont besoin de falbalas, de tralala, de grand bruit, d'idoles... Je suis assez anti-star-system, il faut bien le dire, je n'y peux rien", avait-elle commenté quelques heures après la cérémonie, assurant que "la vraie vie est ailleurs".
Emmanuelle Riva, originaire des Vosges et qui se considérait elle-même comme une "paysanne", avait été remarquée par Alain Resnais à la fin des années 1950 sur une affiche de théâtre. Le grand réalisateur l'avait alors recrutée pour Hiroshima mon amour et lui avait offert le rôle principal.
Sa carrière lancée pour de bon, Emmanuelle Riva avait alors multiplié les projets. Engagée par Jean-Pierre Melville pour Léon Morin, prêtre (1961), la comédienne avait obtenu le Prix d'interprétation féminine à Venise en 1962 pour Thérèse Desqueyroux de Georges Franju. S'en était suivie une période d'effacement avant de retenir à nouveau l'attention dans les années 1990 avec des seconds rôles de vieille dame indigne comme dans C'est la vie et Vénus beauté.
S'essayant à différents genres, la comédie (Je ne dis pas non, Le Skylab), le drame (Mon fils à moi, Le Grand alibi, Un homme et son chien) et même le petit écran pour l'adaptation télévisuelle de Vénus beauté, Emmanuelle Riva avait imposé un respect éternel avec Amour en 2012, dont elle partageait l'affiche avec le tout aussi grand Jean-Louis Trintignant. Sa consécration tant attendue et tant méritée, elle l'avait finalement obtenue.
Olivia Maunoury