Dix ans après la mort de sa petite soeur Laurette, Marie Fugain, 39 ans, a eu un besoin viscéral d'extérioriser sa douleur. C'est par écrit que la fille aînée de Michel Fugain a décidé de crier son chagrin dans un livre émouvant, Moi, on ne m'a jamais demandé comment j'allais... Pourtant Laurette était ma soeur. En pleine promotion de cet ouvrage dans lequel elle raconte son terrible sentiment d'abandon, Marie Fugain s'est confiée au magazine Fémi-9.
Il aura suffi d'une phrase pour déclencher le profond besoin d'écriture de Marie Fugain. Elle se souvient avoir dit, lors d'une soirée, à un éditeur de Michel Lafon qu'on ne lui avait jamais demandé comment elle allait. Cette phrase a été un déclic, et dès le lendemain, elle s'est mise à écrire. "J'étais sur ma lancée et je me suis aperçue que j'avais beaucoup plus à dire que je ne le pensais", explique-t-elle.
Lorsque Laurette l'a quittée, Marie Fugain avait 28 ans et était sur le point de donner la vie. A la fois femme et petite fille, la jeune femme regrette terriblement l'absence de sa maman, dont elle avait besoin. Investie d'une mission, combattre la leucémie pour la mémoire de Laurette, Stéphanie Fugain s'était en effet lancée à bras le corps dans l'association Laurette Fugain, délaissant inconsciemment ses autres enfants. "Ce qui m'a fait beaucoup de mal, ce sont certaines personnes qui n'ont pas su rester à leur place. Je prenais en pleine poire le fait que les gens s'approprient notre douleur et ma soeur par la même occasion. (...) Des gens venaient me dire : 'Je comprends ta douleur, je rêve de ta soeur' et j'avais envie de leur répondre : 'Dégage !''', raconte Marie Fugain.
Dix ans plus tard, ce travail d'écriture lui a permis de se soulager d'un poids, de gagner en légèreté. Si elle déclare s'être remise de ce drame (elle refuse de parler de deuil, qui, selon elle, revient à oublier) et continue de penser quotidiennement à sa petite soeur, elle avait aussi besoin de témoigner à ses parents son amour et de leur crier son manque : "Je voulais dire à mes parents que je les aime, que je ne les ai jamais jugés mais qu'au contraire, j'avais besoin d'eux."
Ce livre est aussi une façon de faire vivre Laurette et de la raconter à ceux qui n'ont pas eu la chance de la connaître. "J'ai pu rendre hommage à ma soeur et expliquer à mon petit frère de 19 ans qui elle était parce que cela me rendait dingue que Laurette ne soit pour lui qu'une photo sur une affiche pour le don de plaquettes", explique Marie Fugain.
Tournée vers l'avenir et vers la vie (la comédienne vit avec son mari Richard Charest et leurs deux fils, Sam et Eliott, à Montréal), Marie Fugain donne son opinion sur le sujet très sensible qu'est l'euthanasie. Elle déclare que si Laurette le lui avait demandé, elle l'aurait aidée à partir. Elle développe : "On les prive de dignité. Et un être humain sans dignité n'est pas un être humain. Au nom de quoi et de qui tient-on quelqu'un en vie artificiellement alors qu'il est complètement dénué de vie , Je suis complètement pour l'euthanasie, j'ai signé toutes les pétitions qui passaient." Mais consciente qu'il s'agit d'un sujet délicat et complexe, elle prône le cas par cas.
Aujourd'hui libérée, Marie Fugain a, grâce à ce livre, tourné une page. Ses envies ? Réaliser avec son mari un documentaire sur les oubliés de la douleur. "J'aimerais leur tendre la main à travers ce livre et être l'oreille qu'ils n'auront peut-être pas eue", conclut-elle.