L'audacieuse cinéaste inclassable Chantal Akerman est morte ce 5 octobre à Paris à l'âge de 65 ans. Atteinte de troubles manio-dépressifs depuis de nombreuses années, l'artiste belge a mis fin à ses jours selon son entourage, rapporte l'AFP. Derrière elle, une oeuvre riche et variée, qui comprend 50 films, parmi lesquels Jeanne Dielman et La Captive.
Les hommages affluent dans les médias et sur les réseaux sociaux. "C'était une énorme cinéaste qui, par sa singularité, a révolutionné quelques pans du cinéma international", a souligné son producteur Patrick Quinet. "C'est quelqu'un d'extraordinaire dans son parcours, puisqu'elle a fait du documentaire, de la fiction, de la comédie musicale, des comédies ou des films plus austères", a-t-il ajouté. L'écrivain français Olivier Steiner lui a d'ailleurs rendu un émouvant hommage sur son compte Facebook : "Chantal, je l'adorais. Elle était folle, bien sûr. Folle géniale."
Le directeur de la Cinémathèque française Serge Toubiana a salué "une femme de passion", qui a "exploré toutes les facettes du cinéma - pas seulement l'avant-garde - avec énergie, de façon intrépide, avec boulimie et candeur" et "avec un courage incroyable, un peu au point d'y laisser sa peau".
Marquée à ses débuts par le cinéma américain expérimental, elle se fait connaître ensuite dans les années 70 avec Je, tu, il, elle (1974), récit de l'errance d'une jeune femme dans lequel elle joue le rôle principal, puis surtout avec Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles (1975) avec Delphine Seyrig. Jonas Melkas, figure du cinéma underground, a déclaré à propos de la cinéaste : "Tout son travail serait comme un immense film épique dont on pourrait relier toutes les parties." (Libération)
Très audacieux formellement avec notamment son travail sur le corps, "Jeanne Dielman" marquera nombre de cinéastes, dont le réalisateurs américain Gus Van Sant. Dans Libération, il rend hommage à celle qui l'a inspirée : "Quand j'ai des films comme Gerry, Elephant et Last Days, cela a constitué pour moi une influence plus qu'essentielle : il y avait pour moi Béla Tarr et Chantal Akerman." James Franco, acteur de Harvey Milk réalisé par Gus Van Sant et artiste polyvalent, a aussi fait part de son chagrin sur Twitter.
Chantal Akerman a "brisé notamment les codes traditionnels de la narration", a souligné la ministre de la Culture Fleur Pellerin, rendant hommage à "une figure magistrale du cinéma et de l'art contemporain".
Touche-à-tout, Chantal Akerman s'est essayée à plusieurs registres comme la comédie musicale (Golden Eighties) et la romance grand public (Un divan à New York avec Juliette Binoche et William Hurt). Navigant régulièrement entre le documentaire et la fiction, la cinéaste belge réalise dans les années 2000 La Captive (2000), librement inspiré de La Prisonnière de Marcel Proust, avec Stanislas Merhar et Sylvie Testud ou encore Demain on déménage avec à nouveau Sylvie Testud et Aurore Clément.
Après La Folie Almayer (2012), adaptation d'un roman de Joseph Conrad, son dernier film, le documentaire No Home Movie, consacré à sa mère qui avait survécu aux camps de concentration, avait été présenté cet été au Festival de Locarno (Suisse). Egalement plasticienne, Chantal Akerman, dont l'une des dernières installations, Now, avait été présentée en mai à la Biennale de Venise, était "une touche-à-tout", un "foisonnement de culture et d'invention", selon son producteur. Elle travaillait dernièrement à une adaptation de L'Idiot de Dostoïevski pour le cinéma.
Le festival "Films Femmes Méditerranée", qui a débuté mardi 6 octobre à Marseille, rendra hommage dimanche à la réalisatrice Chantal Akerman qui était l'une des invitées de la manifestation.