À chaque réalisateur son comédien fétiche. God Browning avait Lon Chaney, Martin Scorsese ne peut pas se passer de Robert De Niro. Dans le coeur de Gaspar Noé, c'est Philippe Nahon qui gambadait, slalomait entre les caméras, enchaînait les rôles. Mais le 19 avril 2020, le cinéaste a appris la nouvelle comme tout le monde, à distance : son collaborateur, son ami, est mort, victime du coronavirus. "Dans la situation actuelle, il n'y a pas eu d'accolades finales, tu as dû partir seul, déplore-t-il dans une longue tribune écrite pour Libération. Il n'y a pas d'enterrement, pas de cérémonie. Je ne pourrai pas pleurer avec tes proches. Pour l'instant, chacun fera son deuil, seul et comme il pourra. Seul, et sans toi."
C'est une amitié de plus de trente ans qui connaît, aujourd'hui, son chapitre final. En 1998, Gaspar Noé faisait tourner Philippe Nahon en lui confiant le mythique rôle du boucher, dans Seul contre tous. En 2002, c'est sur le visage du comédien, en plan proche, que s'ouvrait le film Irréversible. Bien avant l'arrivée de Vincent Cassel, de Monica Bellucci ou d'Albert Dupontel. "On dort. On mange. On dort encore. On suit les infos. On compte les malades. On compte les morts. Et aujourd'hui, ton nom s'ajoute à cette longue liste qui ne cesse de croître, poursuit le réalisateur. On est comme dans un rêve, répétitif, auquel on croit sans vraiment y croire."
La vérité est pourtant cruelle. Le 19 avril 2020, Élisabeth Weissman, l'épouse de Philippe Nahon, annonçait à l'AFP que son époux était mort à l'âge de 81 ans. Il a succombé "à une longue maladie, aggravée par une infection au Covid-19", précisait-elle. Pour Gaspar Noé, comme pour tout l'entourage, la pilule est dure à avaler. "Ta mémoire et ta vie se sont fondues dans le grand vide, là où il n'y a plus de sens, ni de temps ni d'espace, conclut-il. Je n'aurai plus la douce chance de te serrer dans mes bras, comme il y a un mois, à la veille du confinement général..."