Appelez-la Miss Sofia. Avec des s, comme dans sensualité. Au Divan du Monde, ce soir-là, c'est ainsi qu'on la connaît ; c'est ainsi qu'on l'accueille, avec la déférence due à une diva ; c'est ainsi qu'on l'attend au tournant...
"Ce soir, c'est quitte ou double...", lui intime d'ailleurs Franky, visiblement sur les dents. "T'es très belle", ne peut toutefois s'empêcher de souligner celui qu'on a tôt fait d'identifier, sous les traits de l'excellent danseur Yaman Okur (remarqué depuis Les Dix Commandements et jusqu'aux deux dernières tournées de Madonna), formé à l'acting au studio Susan Batson à New York, comme son manager. "Tu fais ça bien, je veux que tu les surprennes", insistera-t-il quelques instants plus tard. Telle Midas changeant ce qu'il touche en or, elle ne tardera pas à changer, de sa voix d'or justement, ses craintes en admiration...
Projet vécu à la base comme un simple délire entre amis et envisagé comme un intermède à offrir aux fans, Sofia N Friends, réunion de talents autour de Sofia Essaïdi, a engendré un authentique mini-film ambitieux de plus de 17 minutes. Filmée par le réalisateur Stéphane Sennour, précieux collaborateur de Madonna qui a notamment signé pour et avec la Queen of Pop le DVD du MDNA World Tour, et dirigée par son compagnon Adrien Galo, qui, désormais engagé dans tout ce qui concerne la réalisation, a choisi de la mettre en scène pour ses débuts de producteur, Sofia Essaïdi a fait de cette expérience collégiale un chapitre à part entière de son parcours, une transition rêvée vers la prochaine étape, en compagnie d'une nouvelle maison de disques.
La tension est palpable dès les premiers instants de Sofia N Friends, qui emprunte notamment, pour son atmosphère, aux codes du film noir. Situation nocturne, lumières crues et ombres marquées, ambiance électrique de huis clos, "faune" de personnages troubles... Vénéneuse comme une icône de l'âge d'or hollywoodien, dont la seule apparition suscite le respect, "Miss Sofia" se dévoile dans un univers inattendu. On oublie la candeur ensoleillée et la légèreté de midinette de J'croque la vie, qu'elle chantait en 2011, et on se demande ce qu'elle nous réserve, tandis qu'elle se prépare en loge, un brin fébrile avec un Pola qui la met en émoi, et que son manageur éconduit sans ménagement un fan transi campé par Krees de Almeida (bientôt au casting des Nouvelles aventures d'Aladin).
Sur la scène du Divan du Monde, Chanel, maître de cérémonie aguicheur joué par Salim Bagayoko, assure le warm-up, et voilà Sofia qui paraît... Superbe dans la lumière crue des projecteurs, la chanteuse entonne Lonely, ballade déchirante qui figurait sur l'album éponyme (2010) de Yaël Naim. Les arrangements restent fidèles au minimalisme bouleversant de l'originale, la voix suave et l'interprétation intense de Sofia Essaïdi lui offrent une nouvelle existence. Une salve d'applaudissements, et le groove s'invite avec une autre reprise : How Come You Don't Call Me, sommet bluesy et sensuel de Prince, qu'une autre grande voix revisita, en la personne d'Alicia Keys. La température monte encore de plusieurs crans avec le troisième morceau de ce showcase : plus rock, carrément électrisée, Sofia se lance dans Rumour Has It, succès de la Britannique Adele qui la voit faire étalage de ses talents de danseuse entourée de Marvin Gofin (chorégraphe de Sofia N Friends) et Nicolas Huchard, accompagnée par Frédérique Adrignola au piano, David Salkin à la batterie, Mathieu Bloch à la contrebasse, Pierre Terrasse à la guitare, et les choristes Amalia et Kyf Ekame.
Des friends pour un moment mémorable, et des indices qui esquissent un futur proche plein de promesses...