Ce n'est pas un fait divers mais un dramatique fait de société. Le suicide de la jeune Dinah, 14 ans, après deux années de harcèlement, a provoqué une vague d'émotion qui a fait réagir jusqu'au gouvernement.
L'adolescente, scolarisée en classe de seconde, a été retrouvée pendue, au domicile familial de Kingersheim (Haut-Rhin), dans la nuit du 4 au 5 octobre. Elle était la dernière et la seule fille d'une fratrie de trois enfants. Ce dimanche 24 octobre 2021 a eu lieu une marche blanche dans les rues du centre-ville de Mulhouse pour rendre hommage à la lycéenne décédée rapporte l'AFP. Sa mère a fait un discours déchirant pour sensibiliser l'opinion et éviter qu'un tel drame se reproduise. Plusieurs personnalités politiques ont réagi à cette tragédie, parmi lesquelles le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer.
"Dinah était une personne intelligente, elle aimait la vie, elle voulait être présidente de la République, elle voulait faire du droit, elle voulait faire tellement de choses", a déclaré Samira, sa mère, devant les quelque 1 400 participants à cette marche blanche. "Elle aurait été tellement heureuse de voir tout ce monde", a-t-elle poursuivi, "elle qui se sentait tellement seule".
Selon ses parents, elle était victime d'un harcèlement opéré par des jeunes filles côtoyées au collège à qui elle avait fait part de son homosexualité. "Ma fille a été harcelée pendant deux ans, et pendant deux ans on a fait des pieds et des mains pour que ça s'arrête, mais elles l'ont poursuivie jusqu'à la maison, jusqu'aux réseaux sociaux", a souligné sa mère, originaire du Maroc. Dinah, métisse, subissait des insultes "racistes ou à caractère homophobe", a précisé à l'AFP son père, d'origine réunionnaise. "Dans sa classe, il y avait deux élèves qui la soutenaient, les autres la descendaient".
Si le ministre garde ses réserves car une enquête est en cours, il a tout de même pris la parole sur Europe 1. "Tous ces faits doivent être signalés et suivis de sanctions mais avoir des suites pénales pour des évènements qui se passent en milieu scolaire est déjà assez nouveau (...) On ne peut pas exclure ad vitam aeternam quelqu'un qui a été harceleur. C'est complexe. C'est l'adolescence, avec tout ce que ça signifie (...) Chaque cas est particulier et, s'agissant de la réaction, il faut évidemment être d'une grande sévérité", a-t-il déclaré dans des propos critiqués sur la Toile.
La mère de Dinah a reproché au corps enseignant d'avoir "fermé les yeux" sur le drame vécu par sa fille. Celle-ci avait reçu des messages comme "ne t'inquiète pas tu vas bientôt mourir", ou "on va t'envoyer des liens sur internet pour que tu puisses crever", après une première tentative de suicide en mars. "Je vous en supplie", a imploré la mère devant la foule, "ceux qui ont des enfants, parlez-leur, dites-leur de ne pas harceler, dites-leur que c'est grave".
Selon la Mutuelle Assurance de l'Education (MAE), 700 000 élèves sur les 12 millions qui ont repris début septembre le chemin de l'école pourraient être victimes de harcèlement. Interrogée par l'AFP, la procureure de la République de Mulhouse, Edwige Roux-Morizot, a indiqué qu'une enquête pour "recherche des causes de la mort" avait été ouverte. Elle doit permettre "de comprendre les raisons du geste de cette adolescente". "Dans l'immédiat", le harcèlement est "une hypothèse", a insisté la magistrate.