En 1970 sortait le titre L'aigle noir, succès incontournable de la chanteuse Barbara. Bien plus sombres qu'elle n'y paraissent, les paroles font écho à un drame survenu dans l'enfance de l'artiste. Abusée sexuellement par son père en 1941, celle qui s'appelle en réalité Monique Andrée Serf racontait également cet inceste dans son ouvrage Il était un piano noir paru en 1998. À travers ses mots, la chanteuse tentait de retranscrire avec précision ce traumatisme et ce qu'elle avait ressenti lors des différentes agressions de son père Jacques.
Le Parisien revient ce dimanche 10 janvier 2021, alors que la parole se libère enfin, sur cet abominable inceste. Tour à tour à Poitiers, Blois, Châteauroux puis les Hautes-Pyrénées, la petite fille d'origine juive est obligée de se cacher avec sa famille pour éviter la déportation. En 1940, ils s'installent dans une maison située à Tarbes. C'est visiblement dans cette propriété que les abus commenceront. "J'ai de plus en plus peur de mon père. Il le sent. Il le sait. (...) Un soir, à Tarbes, mon univers bascule dans l'horreur. J'ai dix ans et demi. Les enfants se taisent parce qu'on refuse de les croire. Parce qu'on les soupçonne d'affabuler. Parce qu'ils ont honte et qu'ils se sentent coupables. Parce qu'ils ont peur. Parce qu'ils croient qu'ils sont les seuls au monde avec leur terrible secret." écrivait l'artiste.
Je te pardonne
Un lourd secret que la petite fille n'ose raconter à ses proches, ni même à sa mère. "J'ai tellement besoin de ma mère, mais comment faire pour lui parler ? Et que lui dire ? Que je trouve le comportement de mon père bizarre ? Je me tais." Dans son livre d'ailleurs, Barbara n'utilise jamais les mots "inceste" ou "viol", réminiscence d'un silence forcé pendant l'enfance ?
Partie à Bruxelles à 19 ans pour chanter, la jeune Monique choisit le pseudo Barbara hommage à sa grand-mère. Suite à la mort de son père, elle écrira dans ses Mémoires posthumes : "J'oublie tout le mal qu'il m'a fait, et mon plus grand désespoir sera de ne pas avoir pu dire à ce père que j'ai tant détesté : Je te pardonne, tu peux dormir tranquille. Je m'en suis sortie, puisque je chante." Une manière de dire que ses blessures, bien que toujours présentes, ont eu le temps de cicatriser pour laisser place au pardon.