L'ombre du dopage plane sur toutes les éditions du Tour de France, celle de 2018 qui sera lancée le 7 juillet 2018 à Noirmoutier-en-l'Île n'y échappe pas. Christopher Froome (Sky), quadruple vainqueur de la Grande Boucle, a failli ne pas y participer, suspecté d'avoir pris des produits dopants avant d'être blanchi. C'est dans ce contexte toujours très délicat qu'Eléna Messager-Roussel revient sur le scandale qui a touché son papa il y a vingt ans.
Directeur sportif de l'équipe Festina en juillet 1998, Bruno Roussel se retrouve impliqué dans une affaire de dopage. Trois jours avant le départ du Tour de France, Willy Voet, le soigneur personnel de Richard Virenque et de ses coéquipiers de Festina, est arrêté à la frontière franco-belge avec des sacs isothermes contenant plus de quatre cents flacons de produits dopants et stupéfiants (EPO, amphétamines, hormones de croissance, testostérone et corticoïdes). Le 15 juillet 1998, Bruno Roussel est à son tour arrêté à l'arrivée de la quatrième étape du Tour de France à Cholet. Le directeur sportif reconnaît l'existence d'un dopage organisé au sein de son groupe et fait plonger plusieurs de ses coureurs, dont Richard Virenque et est ensuite mis en examen et écroués le pour "administration et incitation à l'usage de produits dopants". Bruno Roussel est finalement condamné en 2000 à un an de prison avec sursis.
Fille de salaud, anorexie
Alors âgée de 14 ans, Eléna Messager-Roussel ne se trouve pas en France mais en Angleterre pour un séjour linguistique. Elle raconte sa douloureuse expérience dans une lettre ouverte publiée dans Libération et Ouest-France le 5 juillet 2018 : "Papa... Il m'a fallu vingt ans pour commencer à sortir du trou noir, morbide, dans lequel j'ai sombré un jour de juillet 1998." Celle qui se fait appeler Léna tombe de très haut : "Il m'était inconcevable que tu puisses un jour croupir en prison." S'ensuit une négligence physique et plus seulement morale. "Je suis restée plusieurs jours dans la peau, dans la tête d'un zombie. Je m'alimentais d'une pomme, d'un yaourt. Le goût à rien, sinon à danser. (...) Je perdais le contrôle de mon corps", écrit-elle. La fille de Bruno Roussel tombe alors dans l'anorexie : "Mon rapport à la nourriture devenait anarchique, un dégoût permanent apparaissait, mon physique m'était devenu indifférent."
Eléna Messager-Roussel devient alors la proie de ses camarades à l'école, l'enfermant encore un peu plus dans son anorexie : "Fille de salaud, anorexie : j'étais la bouc-émissaire commode, la souffre-douleur des petits caïds de la cour de récré. Mon mutisme était ma seule défense, l'anorexie s'avérait mon unique moyen d'expression. Elle parlait beaucoup, elle disait à ma place. Je dégringolais peu à peu pour frôler la barre des 30 kilos."
Longtemps écarté du monde du cyclisme, Bruno Roussel est finalement devenu l'entraîneur des coureurs de 17 et 18 ans du Véloce Club de Pontivy pour la plus grande fierté de sa fille qui a aujourd'hui 34 ans et a créé l'association Stop anorexie : "Tu restes mon héros, le premier homme de ma vie. Je suis fière de toi, d'être de toi."