Il y a des festivals qui ne pourront jamais mourir, à l'image du Woodstock originel de 1969, référence de la performance artistique et du rassemblement en plein air qui appartient à la légende, et il y a des festivals qui se battent pour rester dans l'histoire, pour poursuivre leur histoire.
On pourrait croire que seuls les "petits" doivent développer un tel instinct de survie, et pourtant... Le festival britannique de Glastonbury est le parfait contre-exemple : il ne lui resterait que "trois ou quatre éditions à vivre", selon son organisateur Michael Eavis, 75 ans.
Dans son édition de ce mardi 12 juillet 2011, le quotidien Libération se penche au chevet de la Rolls des rendez-vous estivaux. Sommet des rassemblements en plein air, le Glastonbury Festival recèle une offre incroyablement exhaustive, hébergeant parallèlement au festival de musique un nombre colossal de performances artistiques diverses (théâtre, danse, etc.). Sur le versant musical, l'offre s'est ramifiée au fil du temps depuis la fondation originelle en 1970 et la programmation régulière du festival à partir de 1978, s'ouvrant pleinement et sans ambages à la culture contemporaine : si David Bowie, Peter Gabriel, les Smith ou encore Van Morrison étaient les têtes d'affiche, Oasis et Radiohead faisant irruption dans les années 1990 et Coldplay et Muse dans les années 2000, le rendez-vous joue désormais à fond la carte crossover avec des stars telles que Lady Gaga ou Beyoncé, dans le but avoué de séduire toujours plus de festivaliers.
Le mois dernier, du 22 au 26 juin, la programmation de Beyoncé, U2, Coldplay, Kaiser Chiefs, Fatboy Slim, du Wu-Tang Clan, mais aussi les concerts secrets de Radiohead (avec un avant-goût de sa Basement session) et de Pulp avaient été servis à des dizaines de milliers de festivaliers qui avaient acquis leur billet pas moins de 37 semaines en amont (l'intégralité des billets avait été vendue en quatre heures le dimanche 3 octobre 2010), et avaient permis à la BBC d'enregistrer son record historique d'audience pour la couverture de la manifestation (18,6 millions de téléspectateurs cumulés).Mais les très nombreux aficionados du rendez-vous ont tout intérêt à bien en profiter, puisque l'organisateur, Michael Eavis, annonce la mort programmée du festival de Glastonbury à court terme. Fermier et propriétaire terrien de la région de Glastonbury, l'homme, aujourd'hui âgé de 75 ans et qui organise le rendez-vous annuel via une société dédiée avec l'aide de sa fille (qui a pris le relais de son épouse décédée en 1999), affirme dans une interview au Times, reprise par Libé, que la grosse entreprise familiale perd de l'argent, au point d'avopir frôlé la faillite en 2011 avec un déficit de 22 millions de livres (25 millions d'euros). Impensable au vu de la notoriété mondiale du festival et de son taux de remplissage enviable. Mais Glastonbury paye la rançon de la gloire...
Times et Libé épinglent deux raisons à ce naufrage que Michael Eavis annonce inéluctable. Premièrement, le leadership de Glastonbury dans le paysage des festivals pousse les artistes à demander des cachets de plus en plus "pharaoniques" pour s'y produire, n'hésitant plus à faire jouer la concurrence entre festivals. Et comme Glastonbury ne peut pas se permettre de laisser échapper les plus grosses têtes d'affiche, ça coûte cher (en l'occurrence, U2 et Beyoncé).
Deuxième aspect, la concurrence d'autres festivals mastodontes en Europe qui "cassent les prix des forfaits et font des offres indécentes aux tourneurs des groupes".
En 2012, Glastonbury n'aura pas lieu. Il ne sera pas encore mort, il se contentera de s'effacer devant les JO d'été de Londres, dont la concurrence pose des problèmes logistiques - service d'ordre, disponibilité de W.C. installables... Les pré-inscriptions pour les billets de l'édition 2013 sont en revanche déjà ouvertes. A ne pas manquer, au cas où.