Avant que les peaux ne se touchent, les regards se croisent. Véritable écrin pour les yeux des actrices, le cinéma explore le désir au rythme des battements de paupières, des corps et des coeurs. Chacune à leur manière Faye Dunaway, Michèle Morgan, Sharon Stone, Eva Green, Angelina Jolie, Charlotte Rampling, Nicole Kidman et d'autres actrices intemporelles ont imprimé la pellicule de leur regard de félin. Petite sélection des séquences les plus fiévreuses du cinéma.
Mulholland Drive (2001) de David Lynch
C'était avant que le cinéaste ne sombre dans une secte et craque avec Inland Empire (2006). Récit d'une étoile filante dans la nuit hollywoodienne, écrit à double vitesse entre le rêve et le cauchemar, Mulholland Drive a révélé au monde entier Naomi Watts et Laura Harring, mystérieusement restée dans l'ombre depuis. Au détour d'une scène, l'héroïne blonde croise le regard de Justin Theroux, un réalisateur forcé à caster la belle Melissa George. Le coup de foudre n'est qu'un fantasme du rêve hollywoodien, mais il n'en reste pas moins troublant.
L'Affaire Thomas Crown (1968) de Norman Jewison
Elle avait enflammé le Nouvel Hollywood dans Bonnie and Clyde (1967) avec Warren Beatty mais Faye Dunaway a chamboulé une nouvelle fois le cinéma américain dans L'Affaire Thomas Crown. Envoyée pour enquêter sur un milliardaire cambrioleur, elle charme sa proie dans une partie d'échecs incroyablement sensuelle, dominée par ses yeux et ses lèvres. Une scène qui l'a directement propulsée parmi les sex-symbols ultimes.
Basic Instinct (1992) de Paul Verhoeven
En arrivant au Festival de Cannes, Sharon Stone n'était personne. Un scandale et un film culte plus tard, elle était un mythe. Trop souvent résumée à la scène d'interrogatoire, sa performance démente habite la totalité de ce thriller sulfureux. Perverse et endiablée, l'actrice offre une scène de danse muette follement tordue au milieu d'une église transformée en boîte de nuit, sur la musique électro-kitsch Blue de LaTour.
Le Quai des brumes (1938) de Marcel Carné
Impossible de passer à côté de Michèle Morgan lorsqu'il est question de regard au cinéma. Plus inoubliable encore que le film lui-même, la réplique de Jean Gabin "T'as d'beaux yeux, tu sais" est restée comme l'une des déclarations d'amour les plus simples et mémorables du cinéma, immortalisant le visage d'ange de l'actrice.
Moulin Rouge ! (2001) de Baz Luhrmann
La frénésie du cinéaste musical s'arrête le temps d'une reprise tétanisante de Roxane et offre un moment de pure folie visuelle. Persuadée qu'elle doit délaisser son amour pour un bohême, Nicole Kidman décide d'accepter les avances d'un riche duc. Mais l'amour ne peut être vaincu, et la belle courtisane ne forcer son coeur. Un ballet étourdissant qui démontre la mastria visuelle de Baz Luhrmann et qui reste l'une des plus belles choses qu'il ait jamais mises en scène.
Dark Shadows (2011) de Tim Burton
Attachée aux rôles d'hystériques avec son regard flippant, Eva Green touche un sommet de sa carrière dans le dernier film de Tim Burton - qui est curieusement l'un de ses pires. Poupée blonde platine flippante, la Française incarne à merveille l'amour fou dans la peau d'une sorcière prête à tout pour reconquérir celui qu'elle aime. Elle y laissera forcément sa carcasse mais avant cela, elle aura porté un rôle de femme déchirant, aussi venimeuse que fragile.
2046 (2004) de Wong Kar-Wai
Wong Kar-Wai est le cinéaste du désir qui use et abuse de tous les effets pour sublimer ses actrices. Film-somme de sa carrière, le mésestimé 2046 voyage à travers le temps et l'espace pour raconter l'amour et la chair. Parmi les apparitions lumineuses, la fascinante Zhang Ziyi, qui a retrouvé le cinéaste pour The Grandmasters, en tournage depuis plus d'un an.
The Tourist (2010) de Florian Henckel von Donnersmarck
Aussi ridicule soit-il, ce remake du thriller Anthony Zimmer (2005) est l'apothéose de la star Angelina Jolie. Femme fatale sans saveur, elle vampirise le film en entier et éclipse tout le monde - y compris Johnny Depp. Personne ne semble préoccupé une seule seconde par le scénario alambiqué de ce thriller puisque tous les efforts sont concentrés sur Angelina Jolie, maquillée et habillée comme une déesse dans une Venise improbable.
Monika (1953) d'Ingmar Bergman
Les yeux d'Harriet Anderson alias Monika sont l'une des choses les plus précieuses du cinéma de Bergman. Premier film d'une collaboration fructueuse entre le cinéaste et l'actrice, Monika est resté dans les mémoires pour une scène bien précise, dans laquelle l'héroïne décide de tromper son mari. La caméra s'approche de ses yeux, qui se retournent vers le spectateur et brisent le quatrième mur du cinéma. Un regard caméra inoubliable que Godard a décrit comme "le plan le plus triste de l'histoire du cinéma".
The Look, un autoportrait à travers les autres (2011) d'Angelica Maccarone
Près de cinquante ans de carrière ont défilé sous les yeux envoûtants de Charlotte Rampling, comédienne insaisissable et mystérieuse, sensuelle et déstabilisante. Le documentaire The Look, un autoportrait à travers les autres tentera de percer le regard félin de cette actrice à part, mémorable dans Portier de nuit (1974), Max mon amour (1986) et chez François Ozon.
Geoffrey Crété