S'il y a bien une passion que la reine Margrethe II de Danemark, à 72 ans, n'a pas l'intention d'abdiquer malgré ses maintes activités royales, c'est bien son amour pour le spectacle vivant.
Peintre, traductrice, décoratrice et créatrice de costumes émérite et reconnue, la monarque danoise met régulièrement le fruit de son travail et de son talent sous le regard du public. Au mois de mai dernier, elle montait même sur scène au théâtre Naestved de Copenhague et y allait de quelques pas de danse pour sa très grande amie Susanne Heering, directrice d'école de danse qui tirait sa révérence à l'issue d'un ultime gala annuel (rendez-vous auquel la reine contribuait année après année). Margrethe, elle, n'a pas encore décidé de raccrocher...
D'ailleurs, Daisy - comme on la surnomme - remet ça pour Noël, avec une nouvelle production d'un grand classique dans les jardins de Tivoli (le grand parc de la capitale danoise, peuplé de cabanes et tout illuminé pour les fêtes) : Casse-noisette.
Jeudi, la mère des princes Frederik et Joachim assistait à la première du ballet de Tchaïkovski, après avoir mis la main à la pâte en coulisse : "D'un seul coup, je me suis rendu compte que la femme qui se démenait autour du sapin de Noël était en fait la reine de Danemark, c'était surréaliste", a témoigné Michael Revie, un danseur nord-irlandais qui fait partie du spectacle, après avoir vu la monarque, créatrice des costumes du show, fignoler les moindres détails de l'arbre de Noël star de Casse-Noisette.
On peut comprendre que Margrethe II ait voulu que tout soit parfait, après avoir consacré deux ans de travail à la préparation de cette production, faisant des recherches, dessinant les costumes un par un (plus de 100, pour 36 danseurs), élaborant la scénographie (quatre décors), assistant le librettiste et le chorégraphe. Et modeste, avec ça - une condition indispensable pour régner, de nos jours. Alors, quand le supplément dominical du Telegraph lui demande si c'est une manière pour elle d'échapper au cadre cérémoniel de sa fonction et de faire autre chose, elle répond avec sincérité et humour : "Je pense que c'est peut-être devenu le cas, parce que j'aime faire des choses, peindre, fabriquer. Au fil du temps, je me suis investie dans plein d'autres choses. J'imagine que c'est un peu fou d'accepter de mener à bien une production comme celle-ci, mais la folie est partagée."
D'autant qu'elle ne pouvait pas refuser, puisque les producteurs souhaitaient quelque chose de très danois, avec les jardins de Tivoli pour décor : "L'idée de le faire ici à Tivoli m'a plu, tout comme celle de faire un Casse-Noisette typiquement danois. Il ne s'agissait pas d'être tout à fait exact, mais sûrement pas non plus de présenter quelque chose dont les gens puissent dire "c'est invraisemblable"." Quand à la réaction de ses sujets, la reine, qui continue depuis 30 ans à prendre des cours de danse hebdomadaires, est sereine : "J'ai déjà fait ça avant, plusieurs fois. Il y a 20 ans, j'ai fait une autre production, dont je pensais qu'elle était bonne. Et maintenant, je m'aperçois qu'elle ne l'était pas. Depuis, j'ai emmagasiné de l'expérience. Les Danois ont peut-être été choqués la première fois, mais à présent, ils ont l'habitude."
Extrêmement populaire en son pays, la reine Margrethe II est également décrite comme une partenaire de travail exceptionnelle, qui a immédiatement mis à l'aise tous ses collaborateurs. Parfaite illustration, l'un d'entre eux se souvient que, contrairement au prince Charles et feu Lady Di qu'il avait rencontrés précédemment à Londres, elle n'attendait pas d'eux la révérence. "On en oublie qu'elle est la reine", souligne une autre personne, confirmant que cette collègue spéciale ne s'est pas sortie du lot. Et ceux qui étaient inquiets concernant sa disponibilité et son engagement ont vite été rassurés : "Elle a été une membre vitale et très active de notre équipe. Elle ne pouvait pas être là tous les jours, mais elle sait tout sur la production", souligne le librettiste, tandis qu'un costumier qui l'assistait loue "sa culture phénoménale", son talent professionnel pour la création de costume, et le bonheur que c'était de travailler avec elle.
Des éloges qui n'ont en rien ôté le trac de la première, qui s'est fort heureusement déroulée à merveille.