Comme nous vous l'annoncions hier, le grand cinéaste Claude Chabrol, figure de proue de la Nouvelle Vague du cinéma français et grand spécialiste d'une certaine idée de la satire bourgeoise, nous a quittés à l'âge de 80 ans.
L'artiste, omniprésent depuis la fin des années 50, nous aura proposé des dizaines de films, dont une bonne partie d'oeuvres majeures qui resteront dans l'Histoire du cinéma, comme Le beau Serge, Landru, La ligne de démarcation, Les biches, La femme infidèle, Le boucher, Juste avant la nuit, Docteur Popaul, Les noces rouges, Folies bourgeoises, Les liens du sang, Violette Nozière, Le sang des autres, Une affaire de femmes, Madame Bovary, Betty, L'enfer, La cérémonie, Rien ne va plus, L'ivresse du pouvoir ou Bellamy.
Une oeuvre immense, pour un cinéaste qui l'était tout autant, passionné, généreux, bon camarade, qui permit à bon nombre de cinéastes de son époque de réaliser leurs oeuvres, comme Jean-Luc Godard, dont il porta le premier film - A bout de souffle -, ou en produisant certains films de Philippe de Broca, d'Eric Rohmer ou de Jacques Rivette.
L'attachant réalisateur, l'un des derniers monstres sacrés du cinéma français, s'est éteint hier, à son domicile du boulevard Beaumarchais, à Paris, à l'âge de 80 ans. Une disparition aussi rapide que soudaine, sur laquelle nous revenons aujourd'hui...
Il y a quelques mois, Claude Chabrol apparaissait à l'écran en producteur de Serge Gainsbourg dans le Gainsbourg (Vie Héroïque), de Joann Sfar, et il préparait activement son nouveau film, L'escalier de fer, d'après Georges Simenon, avec une nouvelle fois Isabelle Huppert. Toujours très actif donc, il devait se rendre il y a quelques semaines aux 7e Rencontres Cinématographiques de Cavaillon, une petite manifestation consacrée au septième art, très peu médiatisée, mais qui était tout à fait le genre d'événement dont raffolait cet homme vif et bon vivant. Selon, ses propres dires, il tenait "absolument à y participer", d'autant que les organisateurs l'avait convié comme invité d'honneur, avec quatre jours de rétrospective de sa brillante oeuvre, notamment une projection des Bonnes femmes, le samedi 28 août, en présence de son ex-femme et actrice fétiche de ses débuts - Stéphane Audran - et Bernadette Lafont.
Malheureusement, à quelques jours de l'événement, Claude sera dans l'obligation d'annuler sa venue. Officiellement, la raison était qu'il était cloué au lit à cause d'une violente cruralgie (douleur du nerf crural, également appelée "sciatique du devant"), l'obligeant même à se faire hospitaliser.
Une horreur pour lui, puisqu'il confiait concernant cet événement, lors d'une interview qui restera sa dernière : "Je suis très fier d'être invité à Cavaillon, dans une de ces villes sympathiques dont j'aime beaucoup la spécialité, le melon, c'est un véritable plaisir." Il y déclarait aussi concernant son cinéma : "Au long de ma carrière, j'ai essayé d'affiner certaines choses. Les cinémas qui m'ont inspiré restent les mêmes. C'est sûr que si je regarde certains films actuels, alors là, je suis sûr de ne pas être inspiré", avant d'évoquer son futur long métrage qui ne verra malheureusement pas le jour : "L'an prochain, j'adapterai un roman de Simenon, j'ai délibérément choisi le plus noir, comme cette période un peu bizarre dans laquelle nous sommes."
Si Claude Chabrol ne s'est pas rendu à cet hommage à Cavaillon, c'est qu'il souffrait vraiment trop. La raison officielle - une cruralgie -, qui l'avait fait admettre à l'Hôtel Dieu fin août pour une batterie d'examens, débouchera sur une découverte terrible des médecins concernant son réel état de santé : un cancer généralisé... très avancé, ce dont personne ne se doutait.
Plus rien n'était alors possible pour améliorer l'état de santé du cinéaste, qui a souhaité en accord avec sa famille, retourner à son domicile du boulevard Beaumarchais, entre la Bastille et la République, à Paris. Il était entouré de tous ses proches lorsqu'il s'est éteint hier matin, des suites de cette terrible maladie, qui nous avait déjà enlevé Bruno Cremer et Alain Corneau il y a quelques semaines.
Claude Chabrol était en train de finaliser la rédaction de ses mémoires, qui seront publiées dès le mois de novembre, aux éditions Plon.
Ses obsèques devraient avoir lieu jeudi au cimetière du Père Lachaise ou à celui de Montparnasse. Un grand hommage est sans doute prévu demain soir à la Cinémathèque, organisé par son épouse Aurore et sa famille.
Il laisse une trace indélébile dans l'Histoire du cinéma, dont il fut et restera l'un des maîtres incontestés.
Adam Ikx