Il y a quelques jours, les Rencontres Cinématographiques de Cavaillon s'attristaient de la défection en dernière minute du cinéaste Claude Chabrol : attendu pour les trois jours du festival vauclusois, où il devait notamment animer une leçon et retrouver son ancienne épouse et actrice fétiche Stéphane Audran (ainsi que sa scénariste Odile Barki), Chabrol, 80 ans, avait dû renoncer à ce déplacement pour des raisons de santé.
Prémices de ce dénouement funeste ou pas, Claude Chabrol est mort dimanche 12 septembre 2010, comme l'ont indiqué dans la matinée Christophe Girard, adjoint à la culture à la Mairie de Paris, ainsi que l'AFP.
Chef de file de la Nouvelle Vague, mouvement qu'il initia au côté de François Truffaut et Jacques Rivette, il lui offrit dès 1959 une de ses réalisations emblématiques : Le Beau Serge, tourné dans la Creuse, là où ses parents l'avaient envoyé durant la guerre, avec Edmond Beauchamp, Gérard Blain, Jean-Claude Brialy et Bernadette Lafont, qui fut récompensé par le Prix Jean-Vigo ("pour l'indépendance d'esprit et la qualité artistique"). La même année, la Berlinale lui attribuait également l'Ours d'or, son deuxième film, avec Blain et Brialy à nouveau, avec l'aide de son grand complice scénariste Paul Gégauff.
Au cours d'une carrière productive s'étirant sur 50 ans, Claude Chabrol aura suivi des inspirations particulièrement éclectiques, souvent virulentes (dans l'observation sociale), parfois légères (dans le registre comique), pour finalement léguer à la postérité un oeuvre kaléidoscopique que l'Académie française distingua en 2005 avec le prestigieux Prix René-Clair.
D'abord marié quelques années à une riche héritière, qui lui permit de créer sa maison de production et de financer Le Coup du berger (1957) de Jacques Rivette, il épousera en secondes noces, dans les années 1960 (union qui dura jusqu'en 1980), Stéphane Audran, qu'il dirigera 23 fois. Parmi les acteurs fétiches qui portèrent ses réalisations dans des registres variés, on trouve notamment Michel Bouquet, Jean Poiret, Jean Yanne, ou encore Isabelle Huppert, toute jeune comédienne à l'époque de leur rencontre, à laquelle il offrira des rôles marquants et déterminants, la mettant en scène en 1978 dans Violette Nozière au côté de Jean Carmet et Stéphane Audran, dans Rien ne va plus, Madame Bovary, Merci pour le chocolat, la comédie macabre La Cérémonie, le thriller politique L'Ivresse du pouvoir... Matthieu Chabrol, l'un de ses fils, cisela fréquemment les bandes originales des longs métrages de son père.
Au grand écran, il a dernièrement livré La fille coupée en deux, avec Ludivine Sagnier, et Bellamy, qui lui permit de diriger Gérard Depardieu pour la première fois en 2008. Les téléspectateurs ont également pu apprécier sa patte au service, à quatre reprises, de la série des Maupassant sur France 2.
Réputé pour son affabilité proportionnelle à la noirceur de beaucoup de ses films, Claude Chabrol, qu'on a pu apercevoir une dernière fois à l'écran dans la peau du producteur de Gainsbourg dans le récent biopic de Yoann Sfar, a lui aussi eu une vie héroïque...