S'il a dirigé des stars du cinéma français, de Catherine Deneuve à Alain Chabat en passant par André Dussollier et Omar Sharif, François Dupeyron (décédé ce 25 février des suites d'une longue maladie) était un cinéaste de la France d'en-bas, celle qui a souvent été ignorée. Marginal, engagé, sans langue de bois, Dupeyron détestait la condescendance et n'hésitait pas à donner de la voix, notamment après la sortie de son dernier film en 2013, Mon âme par toi guérie, où il se disait "cassé" et fatigué par les luttes en interne et les incessants refus et routes barrées.
Pour parler de lui, qui mieux que Gérard Depardieu, acteur qu'il a bien connu pour avoir travaillé sur son premier long métrage, Drôles d'endroit pour une rencontre, puis La Machine – le réalisateur a également écrit pour lui avec le film Un pont entre deux rives. "François était un ami très discret, comme sa vie. Sa mort terrible rappelle celle de François Truffaut", mort comme lui d'une tumeur au cerveau, a déclaré à l'AFP Gérard Depardieu. Évoquant des films "profonds sur la nature humaine", le légendaire acteur français – à nouveau nommé pour un César du meilleur acteur – s'avoue "terriblement triste". "C'est une voix qui s'éteint dans le monde du cinéma. Comme Truffaut, il manquera éternellement au cinéma", assure Depardieu pour qui "la profession n'a pas été à la hauteur de son talent", appuyant sur le fait qu'il avait "beaucoup de difficultés à monter (le financement de) ses films".
"Cinéaste rare, esprit libre qui traçait son chemin à l'écart des sentiers battus, François Dupeyron nous laisse une oeuvre singulière où transparaissent tout son amour de la vie et sa compassion pour ceux qu'elle a blessés", a réagi la ministre de la Culture Audrey Azoulay dans un communiqué, tandis que Michel Denisot évoquait "deux cinéastes précieux" en rebondissant aussi sur le décès de Valérie Guignabodet, brutalement emportée par une crise cardiaque en début de semaine.
"François Dupeyron avait conquis le public français avec des films sensibles, originaux et ambitieux. Capable de raconter toutes les histoires, il était l'incarnation même de la passion française pour le septième art", a quant à elle déclaré la présidente du Centre national du cinéma (CNC) Frédérique Bredin, tandis que Gilles Jacob, dont il avait sélectionné le film La Chambre des officiers à Cannes, se souvient d'un "cinéaste probe, de grande qualité, un être humain d'une délicatesse infinie". Acteur de La Chambre des officiers, Denis Podalydès a lui aussi livré un hommage ému à son réalisateur, évoquant des souvenirs de tournage : "Je me rappelle très bien de La Chambre des officiers. François portait cette histoire et ses personnages avec fièvre, intensité, travaillait le détail d'un geste ou d'un regard avec une extrême concentration, dans la fournaise de studio d'Épinay, surchauffé par les projecteurs. (...) On avait des fous rires sous nos visages détruits, à force de travail, nous qui commencions nos journées très tôt pour le maquillage. Lui cherchait toujours l'angle juste, le détail économe et tranchant."
Enfin Jacques Maillot, lui aussi réalisateur, a livré un message affectueux pour son confrère, se disant "très triste du décès de François Dupeyron". "J'aimais beaucoup l'homme et ses films. J'ai une pensée pour sa famille et ses proches", écrit-il sur Twitter. L'Académie des César a également tenu à rendre hommage au cinéaste "dont le talent, immense, s'est exprimé dès les premiers essais", à savoir deux courts métrages césarisés, et "à dire toute sa tristesse et ses plus sincères condoléances à ses enfants et ses proches".