Icône du Dernier Tango à Paris de Bernardo Bertolucci en 1972, l'actrice française Maria Schneider est décédée ce 3 février à Paris, des suites d'un cancer généralisé. Selon nos informations, elle devrait être incinérée au crématorium du Père Lachaise et ses cendres seront, suivant ses dernières volontés, dispersées en Méditerrannée. Retour sur sa carrière.
De jeune fille innocente à icône
Fille du mannequin d'origine roumaine Marie-Christine Schneider et de l'acteur Daniel Gélin, elle détestait qu'on la présente comme la fille de ce comédien, qui ne l'a jamais reconnue et qu'elle déclarait n'avoir vu que trois fois dans sa vie. Cependant, elle a entretenu de bons rapports avec sa demi-soeur Fiona Gélin. De la fratrie Gélin, il ne reste plus aujourd'hui que Manu et Fiona. Le fils que Daniel Gélin a eu avec Danièle Delorme, Xavier (comédien lui aussi), décèdera d'un cancer à 53 ans.
Avant de passer des essais pour Le Dernier Tango à Paris, Maria Schneider a passé deux ans chez Brigitte Bardot. Cette dernière est toujours restée proche de Maria et les deux femmes s'appelaient souvent. C'est en voyant une photo d'elle avec Dominique Sanda que Bernardo Bertolucci à l'idée de la confronter à Marlon Brando, sortant tout juste du Parrain. Nous sommes dans les années 1970, et son rôle dans ce long métrage, contant la passion torride entre une jeune fille et un veuf américain de passage à Paris, la transforme en icône.
Le traumatisme du Dernier Tango à Paris
Toutefois, cette performance la traumatise, notamment la fameuse scène du beurre. Selon elle, ni Brando, ni le metteur en scène ne l'avaient prévenue de l'usage du beurre, destinée à faciliter une scène de sodomie : "J'étais jeune, innocente, je ne comprenais pas ce que je faisais. Aujourd'hui, je refuserais. Tout ce tapage autour de moi m'a déboussolée", a-t-elle déclaré dix ans plus tard. En 2001, elle avait confié à Libération lors du Festival du film de Femmes à Créteil, trouver le Tango "daté" et d'une "provocation malhabile". De plus, elle avait dit que Marlon Brando avait réalisé une large partie de la mise en cène, dictant à un Bertolucci soumis ce qu'il devait faire. Néanmoins, elle a admis que ce film lui a apporté une reconnaissance internationale.
La célébrité est arrivée trop vite, alors qu'elle n'était qu'une jeune femme. De quoi lui faire perdre ses repères, lui faire perdre sept ans de sa vie, entre cocaïne, héroïne et dégoût de soi, selon ses propres mots.
De beaux films, un bel hommage
Pour autant, Maria Schneider, devenue une féministe engagée, n'a pas arrêté le cinéma et, cherchant des rôles loin de celui du Dernier Tango, elle joue dans Profession : Reporter de Michelangelo Antonioni (1975), Just a Gigolo (1979) de David Hemmings, Les Nuits fauves de Cyril Collard (1992), Jane Eyre de Franco Zeffirelli (1996), Les Acteurs de Bertrand Blier (2002), La Repentie de Laetitia Masson (2002) et dernièrement dans Cliente de Josiane Balasko (2008).
Le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand l'avait faite chevalier des Arts et des Lettres en juillet 2010 et il a aujourd'hui salué sa mémoire : "Elle restera une image singulièrement forte de la femme d'aujourd'hui. [...] L'un de ces relais vivants et tangibles de la liberté des femmes toujours à reconquérir." Il a ajouté : "Enigmatique dans Profession: reporter d'Antonioni, lointaine dans le Voyage au jardin des morts de Philippe Garrel, inquiétante dans Merry-go-round de Rivette, personne ne savait rendre palpables comme elle le temps et l'attente de ce qui va arriver."
Apprenant son décès jeudi, Bernardo Bertolucci a affirmé qu'il aurait "voulu lui demander pardon". "Sa mort est arrivée trop tôt. Avant que je puisse l'embrasser tendrement, lui dire que je me sentais liée à elle comme au premier jour, et, au moins pour une fois, lui demander pardon", a-t-il déclaré à l'agence italienne Ansa. "Maria m'accusait d'avoir volé sa jeunesse et aujourd'hui seulement je me demande si ce n'était pas en partie vrai. En réalité, elle était trop jeune pour pouvoir soutenir l'impact qu'a eu l'imprévisible et brutal succès du film", a-t-il reconnu.
Maria Schneider aurait beaucoup aimé entendre la demande de pardon de Bertolucci...