"Me revoilà Paris": Joséphine Baker est entrée ce mardi 30 novembre 2021 au Panthéon, première femme noire à rejoindre les grandes figures françaises, un hommage à sa vie "incroyable" d'artiste de music-hall, résistante et militante antiraciste.
Son cénotaphe -un cercueil ne contenant pas la dépouille, restée dans le caveau familial situé à Monaco-, porté par des militaires de l'armée de l'air dont elle était sous-lieutenant, est entré sous la coupole du Panthéon vers 18h30.
"Ma France, c'est Joséphine", a lancé Emmanuel Macron en saluant une femme engagée qui a voulu "prouver aux yeux du monde que les couleurs de peau, les origines, les religions pouvaient non seulement cohabiter mais vivre en harmonie". "Sa cause était l'universalisme, l'unité du genre humain. L'égalité de tous avant l'identité de chacun. L'hospitalité pour toutes les différences réunies par une même volonté, une même dignité. L'émancipation contre l'assignation", a approuvé le président.
La célébration, prévue de longue date, lui donnait l'occasion d'un message plus politique contre les discours identitaires que prônent certains de ses rivaux pour 2022, en premier lieu le polémiste Eric Zemmour qui s'est déclaré candidat mardi. Mais le chef de l'Etat n'a pas oublié de saluer la première chanteuse et danseuse à entrer dans ce monument solennel. "Vous entrez dans ce Panthéon où s'engouffre avec vous un vent de fantaisie et d'audace. Pour la première fois ici une certaine idée de la liberté et de la fête", a dit Emmanuel Macron. "Vous entrez dans ce Panthéon parce que, née américaine, il n'y a pas plus française que vous".
L'intégralité de la cérémonie a été publiée sur les réseaux sociaux de l'Elysée.
Le cercueil a d'abord remonté la rue Soufflot sur un immense tapis rouge, devant 8 000 spectateurs selon l'Élysée. Après la diffusion de sa plus célèbre chanson: J'ai deux amours, mon pays et Paris, un montage vidéo illustrant la vie de la chanteuse, des scènes parisiennes à son discours pour les droits civiques des Noirs aux côtés de Martin Luther King, a été projeté sur la façade du Panthéon. Le cénotaphe est ensuite entré sous la nef, quarante-six ans après la mort de l'artiste en 1975, au son d'une oeuvre de Pascal Dusapin. Environ un millier d'invités étaient venus lui rendre hommage, ainsi que neuf de ses douze enfants, émus et heureux de cette reconnaissance. Le cénotaphe, couvert du drapeau français, restera toute la nuit dans la nef. Mercredi, au cours d'une cérémonie familiale, il sera installé dans le caveau 13 de la crypte, où se trouve déjà l'écrivain Maurice Genevoix, entré au Panthéon l'an dernier.
Brigitte Macron était présente au Panthéon, tout comme la ministre de la Culture Roselyne Bachelot, la maire de Paris Anne Hidalgo, le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer, ministre des Sports de la Jeunesse et des Sports, Richard Ferrand, président de l'Assemblée Nationale et Gérard Larcher, président du Sénat, Albert de Monaco ou encore Line Renaud . "Je suis très heureux qu'on lui rende hommage par cette cérémonie aujourd'hui et par la cérémonie qu'on a pu faire hier à Monaco", a déclaré Albert de Monaco en direct sur TF1. "Qu'elle soit au Panthéon, vous ne pouvez pas imaginer le bonheur que ça me donne. C'est le remerciement qu'elle mérite", a réagi Line Renaud. François Cluzet, Catherine Frot, Pascal Légitimus, Zabou Breitman, Catherine Jacob ont également tous assisté à l'entrée au Panthéon de Joséphine Baker.
L'intérêt est marqué également à l'international avec de nombreux journalistes de médias étrangers accrédités pour la cérémonie. A New York, l'Empire State Building s'est allumé aux couleurs bleu blanc et rouge lundi soir pour honorer la diva née aux États-Unis, où elle a combattu pour les droits civiques des Noirs. "On vit un moment exceptionnel parce que c'était une femme exceptionnelle", a réagi au Panthéon Akio Bouillon Baker, l'un des fils de Joséphine - Joséphine Baker n'avait aucun enfants biologiques et les avait tous adoptés - : "Maman aurait été très heureuse. Le plaisir était de voir ce public dehors, qui était son public. Maman représente tous les oubliés de l'histoire. L'entrée de maman, c'est celle de tous ceux qui oeuvrent pour un monde meilleur."
Née le 3 juin 1906 dans une famille pauvre de Saint-Louis (Missouri) d'une Amérindienne noire et d'un père d'origine espagnole, Joséphine Baker a rejoint Paris à 19 ans où elle devient la vedette de La Revue Nègre au théâtre des Champs-Élysées. "C'est la France qui m'a fait ce que je suis, je lui garderai une reconnaissance éternelle", affirmera celle qui a obtenu la nationalité française le 30 novembre 1937. Pour sa participation à la Résistance, elle a reçu les honneurs militaires à sa mort.