Plus de cent ans après sa naissance à Saint-Louis dans le Missouri aux Etats-Unis, en 1906, et près d'un demi-siècle après sa mort à Paris le 12 avril 1975, Joséphine Baker entre au Panthéon. La consécration d'une icône de la musique et de la Résistance qui aimait tant la France et le résultat d'une pétition paraphrasant la chanson d'Alain Bashung, "Osez Joséphine". Initiée par l'essayiste Laurent Kupferman, elle reprend l'idée de l'écrivain Régis Debray, en soutenant une artiste, résistante, féministe et militante antiraciste. Rien que cela. Le président de la République Emmanuel Macron a annoncé durant l'été 2021 que la légendaire étoile du music-hall allait faire son entrée dans le monument parisien le jour anniversaire de sa naturalisation, le 30 novembre - elle restera néanmoins inhumée à Monaco. Derrière elle, elle laisse donc une oeuvre musicale et des actes historiques mais aussi une grande famille, puisque l'interprète de J'ai deux amours a eu douze bambins, tous adoptés. Elle aurait voulu aussi des enfants biologiques, mais la nature en avait décidé autrement.
Personnage fascinant, Joséphine Baker s'est écrit une vie digne d'un film. Sa famille ne ressemble à aucune autre avec sa "tribu arc-en-ciel" comme elle la nommait elle-même : Akio, Janot, Jarry, Luis, Marianne, Brian (né Brahim), Moïse, Jean-Claude, Noël, Koffi, Mara et Stellina ont formé la fratrie extraordinaire de Joséphine Baker, installée dans son havre de paix, un château de Milandes, dans le Périgord. Criblée de dettes, Joséphine Baker devra le vendre mais le mythe restera.
On peut s'interroger sur la maternité de Joséphine Baker, elle qui aimait tant les enfants et qui voulait leur offrir l'enfance qu'elle n'avait pas eue car elle avait dû travailler très jeune pour aider sa famille. Dans la biographie Josephine Baker in Art and Life de Bennetta Jules-Rosette, la raison est expliquée : Après une grossesse à l'issue de laquelle Joséphine Baker accouche d'un enfant mort-né, elle contracte une grave infection post-partum et doit subir une hystérectomie à Casablanca en 1941. Cette infection a été provoquée par une "grave maladie contractée en service commandé", écrit Le Figaro dans son édition du 15 novembre, "elle sera la cause de l'infertilité de l'artiste". Une douloureuse période durant laquelle elle enchaîne péritonites et septicémies jusqu'à la fin de 1942, tout en servant la Résistance française. Ainsi, les visiteurs qui viennent à son chevet son souvent des agents de renseignements, précise Le Figaro. Au plus mal, Joséphine Baker garde son courage intact.
L'ablation de son utérus retire donc à Joséphine Baker l'espoir d'avoir un enfant biologique. Avec son mari, le chef d'orchestre Jo Bouillon, ils décident donc de se composer cette ribambelle d'enfants venus des quatre coins du monde, concrétisant leur idéal de fraternité universelle. Sur les ondes de France Inter ce 29 novembre, son fils Brian Bouillon-Baker a abordé ce sujet : "Mais elle aurait eu des enfants biologiques, elle aurait tout de même adopté beaucoup, beaucoup d'enfants. Ça, c'est le côté mamma italienne."
Une famille de douze enfants dans un château du sud de la France, l'idée fascine et interroge. Quelle mère était Joséphine Baker ? Une idéaliste mais pas si utopiste. Car elle avait un rêve presque politique : réunir douze enfants des quatre coins de la planète, les élever ensemble et finalement, montrer, comme elle disait à l'époque, à la face du monde que lorsqu'on élève des enfants, il y a de la solidarité qui va se créer. Brian Bouillon Baker confirme que cela n'était pas qu'une belle théorie : "Elle l'a vécu, car lorsque nous faisons des bêtises, nous ne nous dénoncions jamais, quitte à être puni collectivement." De quoi donner espoir en l'humanité, si elle vibre sur les pas survoltés de Joséphine Baker.