Stephen Fry est loin d'avoir tout dit : mais tout ce qu'il a à dire peut aller loin... Entre une carrière haute en couleur, entamée dans les années 1980 aux côtés de son meilleur ami Hugh Laurie (le duo comique Fly & Laurie), et un parcours personnel semé d'embûches (adolescence à problèmes, révélation de son homosexualité, troubles bipolaires), l'Anglais, hyperactif et brillant, semble avoir vécu, à 57 ans seulement, plusieurs vies. Ce qui justifie la publication de plusieurs autobiographies.
Après Moab Is My Washpot: An Autobiography (1997), The Fry Chronicles: An Autobiography (2010), mais aussi Stephen Fry: The Secret Life of the Manic Depressive (2006), documentaire primé qui explorait ses troubles mentaux, et Stephen Fry: Out There (2013), consacré à l'homosexualité, le comédien, humoriste, écrivain, poète, journaliste, producteur, présentateur télé, activiste et autres publiait en septembre un troisième volume pour se raconter, More Fool Me: A Memoir.
Parmi les révélations sulfureuses que ne manque pas de contenir l'ouvrage, cette figure phare des médias et du show-biz d'outre-Manche, que le grand public international a pu récemment remarquer en ministre dans la saison 9 de 24 Heures chrono et éventuellement repéré dans Le Hobbit, évoque son ancienne addiction à la cocaïne. Proche, notamment du fait de son travail caritatif auprès du Prince's Trust, du prince Charles, qui le convia en 2005 à son mariage avec Camilla Parker Bowles, Stephen Fry dresse dans la dernière mouture de son autobiographie la liste des lieux institutionnels où il a succombé à sa toxicomanie, parmi lesquels... les toilettes du palais de Buckingham. Buckingham, où il saluait en février dernier la reine Elizabeth II à l'occasion d'une réception dédiée à l'art dramatique.
"J'aimais ça..."
Dans la droite ligne de son précédent ouvrage autobiographique, qui abordait sa consommation de drogue dans ses dernières pages, More Fool Me: A Memoir développe le récit sur ces addictions coûteuses, pendant quinze ans de sa vie. Sans fard, en toute sincérité, Stephen Fry, repenti, écrit ainsi : "Comment puis-je expliquer l'extraordinaire gaspillage de temps et d'argent que m'a coûté mon habitude, pendant 15 ans ? Des dizaines, voire des centaines de milliers de pounds, et autant d'heures, à sniffer, aspirer et dilapider un temps que j'aurais pu mettre à profit pour écrire, jouer, penser, m'exercer, vivre. Je n'ai pas pris de la coke parce que j'étais déprimé ou sous pression. Je n'en ai pas pris parce que j'étais malheureux (du moins, je ne crois pas). J'en ai pris parce que j'aimais ça, j'aimais vraiment ça." Sans préciser à quel moment il est devenu vraiment accro ni comment il en est revenu, Fry se remémore sa première fois, "une nuit capitale" de 1986 avec un ami acteur qu'il ne nomme pas, détaille comment il s'était monté un réseau de fournisseurs pour ne jamais être à court, raconte comment il a échappé de peu à de gros soucis avec la police (arrêté en état d'ivresse à moto, il était parvenu à lui cacher les 3 grammes de cocaïne qu'il avait sur lui), affirme avoir été trop douillet pour tenter des drogues plus dures... Et cite les lieux très emblématiques où il s'est adonné à son addiction : le Groucho Club, évidemment, l'un de ses repaires nocturnes, la Chambre des Lords, le Parlement, le siège de la BBC, et même Buckingham et le château de Windsor. Étrangement, il ne mentionne pas la Maison Blanche et le 10 Downing Street (résidence du Premier ministre britannique), deux lieux qu'il avait cités dans une interview radio à New York en 2012.
"Je profite de l'occasion pour présenter sans réserve mes excuses, écrit-il dans ce nouveau pan de ses mémoires en référence à ses rendez-vous avec la poudre blanche, aux propriétaires, directeurs ou représentants des nobles et ignobles locaux, et aux centaines de domiciles privés, bureaux, tableaux de bord de voitures, tables, manteaux de cheminée et surfaces planes disponibles qui pourraient aisément être mentionnées dans cette liste de la honte. Il se pourrait que vous ayez envie de me voir radié, banni, exclu ou puni d'une manière ou d'une autre pour mes crimes passés ; alors, c'est assurément le moment de décrocher le téléphone, d'aller voir la police ou le secrétaire du club."
Des aveux à ne pas mettre devant tous les yeux...