C'était une star à une heure où le mot n'était pas encore accordé à n'importe qui : tonitruante, truculente, électrisante, Yvette Horner s'est éteinte lundi 11 juin 2018 à l'âge de 95 ans à Courbevoie (Hauts-de-Seine), a annoncé son agent à l'AFP. La mort d'une authentique icône, reine du musette et championne de la hype de l'accordéon, qui avait même disputé onze fois le Tour de France (mascotte de la caravane de la Grande Boucle) et remporté deux Grand Prix (celui de l'accordéon de Paris et celui du disque de l'Académie Charles-Cros) ainsi qu'une Coupe du monde (d'accordéon, bien sûr)...
Née à Tarbes (Hautes-Pyrénées) le 22 septembre 1922, Yvette Horner (en réalité : "Hornère") avait commencé par s'essayer avec succès au piano, décrochant le 1er prix au conservatoire de Toulouse, avant que sa mère, visionnaire, la mette au piano... à bretelles - un "créneau à ne pas manquer", avance-t-elle, puisqu'aucune femme ne s'y illustre. Peu réjouie (elle dit en avoir "pleuré pendant trois ans") mais particulièrement douée, Yvette devient ainsi la première à gagner, en 1948, la Coupe du monde d'accordéon.
L'année précédente, elle avait commencé à se produire en concert, début d'une fantastique épopée musicale qui s'achèvera plus de soixante ans plus tard, en 2011, parallèlement à la sortie d'un ultime album très bien nommé, Yvette hors norme, dernière pièce d'une collection de plus de 300 disques (pour quelque 30 millions d'exemplaires vendus). La pochette a été réalisée - comme nombre de ses costumes de scène - par le couturier Jean Paul Gaultier, dont elle fut l'égérie.
C'est dans les années 1950 qu'Yvette Horner s'était imposée dans le paysage artistique et populaire français, commençant à tisser des liens forts avec le public à l'occasion du Tour de France : juchée sur le toit d'une traction avant Citroën noire, en robe multicolore et sombrero mexicain, en 1951, elle apparaîtra ainsi au cours de onze éditions, jouant de l'accordéon sous les acclamations du public et souffrant avec les coureurs dans les ascensions de col, son accordéon de douze kilos sur les épaules.
Des aventures dans lesquelles la jeune femme peut compter sur le soutien de son mari René Droesch, son "garde du coeur" comme elle l'appelait, rencontré à l'âge de 14 ans. Footballeur professionnel aux Girondins de Bordeaux, il la dévorait du regard alors qu'elle triomphait dans les cabarets du Sud-Ouest ; puis il se décida à l'aborder. Ils se marièrent et René renonça à sa carrière pour l'accompagner à Paris et être son chevalier servant, jouant les fées du logis tandis qu'elle joue de la musique.
Après la mort de son époux en 1986, un autre homme joue un rôle crucial dans le parcours d'Yvette Horner : sous l'impulsion de Jean Paul Gaultier, la virtuose de l'accordéon change de look, adoptant ce roux flamboyant resté si emblématique en même temps que des tenues qui en imposent. Plus que jamais, l'accordéoniste vedette, pile électrique d'1m55, est branchée et son art sans frontières : "J'ai accompagné Boy George comme des chanteuses d'opéra. J'ai enregistré avec Charlie McCoy, avec l'orchestre à cordes de l'Opéra. J'ai fait aussi des récitals de piano, soulignait-elle. J'ai le même frisson avec certaines mélodies de rock stars qu'avec la quatrième symphonie de Beethoven. Je suis éclectique." C'est peu dire pour qui a joué à l'accordéon du Bowie ou du Michael Jackson, a accompagné Jimmy Sommerville pour la Nuit Europride (1997) ou encore s'est essayée au rap !
La disparition d'Yvette Horner, qui avait été élevée par Nicolas Sarkozy au rang de commandeur de la Légion d'honneur après avoir été faite chevalier par François Mitterrand puis promue officier par Jacques Chirac, a suscité nombre de réactions chagrines et de témoignages de sympathie. Le président Emmanuel Macron a rendu hommage dans un communiqué à "un talent musical hors norme mis au service du plus grand nombre" : "Celui d'une relation profonde créée avec les Français par la seule magie de son accordéon, et qui aura survécu au temps et aux modes", a-t-il observé. "Souvenir d'un tournage à Memphis. #yvettehorner vient de partir. Artiste vraie. Tristesse. Pensées pour ses proches", a de son côté partagé l'animateur Michel Denisot sur Twitter.
Vas-y Vévette, continue de les faire danser, là où tu es...