Le pire est arrivé pour Dominique Strauss-Kahn , accusé de "tentative de viol et d'agression sexuelle" par une jeune femme de chambre de l'hôtel Sofitel. Il a donc comparu lundi devant une juge de New York qui a ordonné son maintien en détention. Pas de chance pour lui, car c'était une femme - hier, le juge était un homme - qui prenait la décision aujourd'hui. La juge Melissa Jackson a refusé de libérer le directeur général du Fonds monétaire international (FMI) malgré une caution d'un million de dollars proposée par son avocat pour garantir sa représentation.
Il est maintenant un numéro de matricule. Il sera transféré ce soir (ou demain) à la prison de Rikers, située sur l'ile Rikers, entre le Bronx et le Queens. Une prison qui n'est pas du tout un établissement 4 étoiles, une des prisons les plus dures des Etats-Unis, dans laquelle de nombreux rappeurs dont Lil Wayne en 2010, ont pris pension.
Epuisé après 2 jours de garde à vue , Dominique Strauss-Kahn, 62 ans, a comparu devant le tribunal pénal de Manhattan, portant un pardessus sombre et une chemise claire - les mêmes vêtements depuis 3 jours - . Il est apparu fatigué et abattu, les traits tirés, pas rasé depuis trois jours et le regard souvent dans le vague, assis sur un banc en bois à côté de petits délinquants qui comparaissaient également, avant et après lui.
Contrairement au tribunal fédéral où les photographes n'ont pas accès à la salle d'audience, photographes et cameramen ont pu saisir des images de l'ancien ministre français dont la vie a brusquement basculé samedi. Des proches étaient discrétement dans la salle ainsi que sa fille Camille, avec qui il aurait, d'après les dires de ses avocats, déjeuner le fameux samedi midi.
Il n'était pas menotté lundi, contrairement à dimanche soir , comme l'ont montré les images de sa sortie d'un commissariat de Harlem situé au nord de Manhattan, des images qui ont fait le tour du monde et provoqué un choc. La juge a évoqué un risque de fuite du patron du FMI pour ordonner son maintien en détention, après avoir entendu les arguments du District Attorney (le procureur en français) qui a été très dur dans son exposé. Cyrus R. Vance a plaidé que M. Strauss-Kahn fait l'objet de sept chefs d'accusation - DSK risque 77 ans de prison ! -, dont acte sexuel criminel et tentative de viol et de séquestration, suite aux accusations de cette jeune femme de chambre de 32 ans, employée dans un hôtel Sofitel de New York. L'accusation demande le maintien en détention. De plus, elle évoque "au moins un" autre cas d'agression sexuelle. Il y a des "informations selon lesquelles il a eu une conduite similaire à celle-ci dans au moins un cas", a avancé le procureur.
C'est le ténor Benjamin Brafman qui a ensuite plaidé pour son illustre client, devant la juge. Au cours de cette plaidoirie, l'avocat a déclaré à la juge que son client niait l'ensemble des accusations portées contre lui. "Il nie ces accusations. Il est présumé innocent selon la loi", a souligné Me Brafman. L'avocat a ajouté que le cas du directeur du FMI bénéficiait d'une "ligne de défense forte" et qu'il était "tout à fait probable qu'il soit innocenté en fin de compte". Sentant que la juge ne souhaitait pas libérer son client, la défense de l'ancien ministre a alors offert une caution d'un million de dollars pour obtenir sa mise en liberté provisoire. Il a également proposé qu'il remette son passeport à la justice, qu'il porte un bracelt électronique à la cheville et qu'il s'engage à résider à New York chez sa fille.
Ce qui a motivé la décision de la juge Mélissa Jackson c'est le risque de fuite de DSK, en insistant qu'il avait été arrêté à bord de l'avion d'Air France qui s'apprêtait à décoller de l'aéroport Kennedy pour Paris . Dominique Strauss-Kahn a accusé le choc, stoïque mais KO debout. La prochaine audience a été fixée à vendredi.
Son épouse, l'ancienne journaliste Anne Sinclair , est arrivée en début d'après-midi à New York en provenance de Paris, a précisé Me Benjamin Brafman qui était pourtant sûr de lui, hier en arrivant au tribunal, sur la remise en liberté de son client. Le résultat à été bien différent. L'avocat a ensuite pris la parole à la sortie du tribunal :"Nous sommes évidemment déçus par la décision du tribunal", a déclaré MeBrafman. "Nous croyons à l'innocence de M. Strauss-Kahn et nous pensons que son dossier est défendable", a-t-il ajouté. "Nous demandons à tous de lui reconnaître la présomption d'innocence"."Il est important de comprendre que cette bataille ne fait que commencer", a poursuivi l'avocat. "L'intention de M. Strauss-Kahn est d'essayer de rétablir son nom et sa réputation".
La prochaine audience est fixée au vendredi 20 mai, date à laquelle DSK sera face à ce qu'on appelle aux Etats-Unis, le Grand Jury qui sera composé de 23 habitants de Manhattan. Ils devront déterminer si les éléments à charge sont suffisants pour justifier la mise en examen de DSK. Le vote se déroule à la simple majorité absolue (12 voix). Si le grand jury estime que les preuves ne sont pas assez fournies, DSK sera alors libre. Mais l'enquête ne sera pas close pour autant.
Dans le cas d'une mise en examen de DSK, ses avocats pourront alors refaire une demande de libération conditionnelle avec une caution qui pourrait être proposée pour plusieurs millions de dollars. Mais, "en général, cela ne marche pas" explique un avocat venu assister à l'audience. Dominique Strauss-Kahn pourrait donc rester en prison jusqu'à son procès... ce qui serait terrible pour lui, sa femme et sa famille.
Alors le FMI, la présidentielle, pour Dominique Strauss-Kahn ça doit lui passer bien au-dessus de la tête... et les déclarations de ses amis politiques aussi !