"C'est la meilleure équipe de tous les temps" : à soir de fête, rien d'interdit, et Claude Onesta ne résiste pas au plaisir de partager avec les caméras de France Télévisions la confidence que vient de lui faire, "à l'oreille", le prodige du hand croate Ivano Balic après la défaite des siens (22-25) contre la France en demi-finale du tournoi olympique, vendredi 10 août 2012. "Venant de lui...", souligne le technicien tricolore pour mettre en perspective l'ampleur du compliment et la performance de ses garçons, complétant avec l'humour entendu qui lui sied si bien : "Il a l'air de connaître un peu le handball (sourire en coin), je vais donc me le garder et penser qu'il n'a peut-être pas tort." "Pour une équipe lézardée de vieux, c'est pas mal ce qu'on a fait, c'est passable", osera-t-il même, caustique, en réponse aux critiques faites ces derniers mois sur une équipe de France supposément sur le déclin après son échec inattendu à l'Euro 2012.
Une performance telle qu'ils ont eu bien du mal, Les Experts, à quitter la salle, où le public français présent en nombre avait envie de faire la fête et la ola comme un soir de médaille d'or. Mais si on a bien perçu sa profonde fierté, Claude Onesta, lui, se contrôlait, ayant déjà l'esprit à la finale de dimanche, contre la Suède, invitée surprise à ce stade de la compétition et victorieuse dans la douleur de la Hongrie en demi-finale : "Là, je vais faire en sorte de ramener tout le monde au village. On va se donner 48 heures de délai avant de pouvoir faire la fête", tempérait celui qui, depuis sa prise de fonctions en 2001, a porté l'équipe de handball masculine au sommet de la discipline. Car les Bleus ont rendez-vous avec l'histoire des Jeux, dans laquelle ils entreront un peu plus s'ils deviennent la première équipe à conserver leur titre sur deux olympiades consécutives...
Pour gagner leur ticket pour une deuxième finale olympique consécutive et avoir le droit de briguer leur propre succession après leur sacre à Pékin 2008 aux dépens de l'Islande (28-23), les Bleus ont rendu une copie parfaite contre la Croatie, qu'ils avaient dû battre à deux reprises aux JO de 2008 mais qui les avait écrasés début 2012 lors d'un Euro que les Français avait quitté piteusement et que les Croates avaient achevé à la 3 place. Des retrouvailles à suspense en perspective...
Avant la rencontre, l'ancienne star de la génération dorée des Barjots, Jackson Richardson, s'était déclaré beaucoup plus confiant pour le match contre la Croatie que le précédent, le quart de finale contre l'Espagne laborieusement remporté à l'ultime seconde de jeu. Le scénario de la rencontre lui a donné raison, bien aidé par un Thierry Omeyer des grands soirs (23 arrêts à près de 50% de réussite dont 12/18 à 9 mètres - écoeurant pour les arrières adverses ! - et 13/23 en première période, sans compter les exploits non comptabilisés sur des fautes sifflées) : le volume défensif des Experts a eu raison des facilités techniques des Croates. Après la rencontre, Claude Onesta analysait ainsi : "On sait que si on arrive à les épuiser physiquement, notamment par notre défense, ils ont du mal à s'en sortir. Ils ont beaucoup de qualité et de génie, ce sont des purs techniciens sur l'aspect perceptif. Mais quand vous prenez Dinart, Sorhaindo et Karabatic dans le nez, la perception commence à diminuer au bout de quarante minutes. C'est vraiment dans un rapport de forces (...) Notre équipe a sûrement du talent, elle a beaucoup de coeur et elle est exceptionnelle."
"Rois du monde" pour un soir de plus
Grâce à cette solidarité et cette solidité défensive, ainsi qu'au dernier rempart dans la cage, Les Experts ont fait la course en tête durant tout le match. Virant en tête (+2) à la mi-temps, ils n'auront même pas eu le temps de douter lorsque les hommes de Balic reviendront à une longueur au retour des vestiaires, William Accambray, le héros de dernière minute du quart de finale contre l'Espagne, empilant coup sur coup trois torpilles à 9 mètres comme s'il n'y avait personne d'autre que lui sur le terrain.
"On est comme des gamins, mais parce qu'à chaque fois, c'est extraordinaire, s'enthousiasme après le match le toujours jeune Bertrand Gille. Dans ces moments, c'est illusoire, mais on a vraiment l'impression d'être les rois du monde. Et puis il y a une ambiance de feu. On était dégoûté quand a appris que les Jeux ne seraient pas à Paris, mais finalement, c'est bien à Londres. Ça fout des frissons." Des frissons, il y en aura demain, dimanche, d'autant plus si la génération des Experts va au bout. "La France et ses six, sept médailles d'or... J'ai arrêté de compter !", se lamentait Ivan Balic vendredi soir. Nous, en revanche, on adore les maths. Surtout les additions.
G.J.