La polémique a grondé peu après que le film La Vie d'Adèle a décroché au Festival de Cannes la Palme d'or. Les techniciens avaient fait part des conditions intolérables dans lesquelles s'était déroulé le tournage sous le contrôle du réalisateur Abdellatif Kechiche : dans un communiqué, le Spiac-CGT, le Syndicat des professionnels de l'industrie de l'audiovisuel et du cinéma, dénonçaient des "faits révoltants et inacceptables" subis par l'équipe, au point d'en être "revenus écoeurés, voire déprimés". Sur la scène cannoise, lors de la remise des prix, on applaudissait néanmoins le bonheur du cinéaste, entouré de ses deux actrices, Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux, émues et si tendres à ses côtés. Une belle photo remise en cause par une interview du Daily Beast.
Jusqu'à présent, seule la grogne des techniciens avaient noirci le parcours de rêve de La Vie d'Adèle. Les deux comédiennes avaient bien sûr expliqué combien le tournage avait été éprouvant, sans pour autant critiquer ouvertement les méthodes du réalisateur. Pour The Daily Beast, elles sont plus précises. Les deux jeunes femmes expliquent que d'autres réalisateurs sont plus respectueux, ajoutant que Kechiche piquait des colères et les poussait à bout, allant jusqu'à les inciter, dans une scène de bagarre, à se frapper réellement. Le site Slate.fr, qui relaie l'interview du site américain, écrit ainsi : "Le tournage n'était pas seulement éprouvant, il était atroce, à tel point qu'à la question 'Le tournage avait-il quand même des aspects agréables ?', Léa Seydoux répond : 'C'était horrible.' Et si Adèle Exarchopoulos commence par dire que Kechiche est un génie, c'est pour mieux ajouter : 'Il y avait parfois une sorte de manipulation, qu'il était difficile de gérer. Mais c'était une bonne expérience d'apprentissage, en tant qu'actrice'."
Léa ne voudra plus jamais retravailler avec Kechiche, et Adèle, plus évasive, répond un "je ne crois pas". Difficile de connaître le ton sur lequel elles ont répondu, s'il y a de l'humour dans l'air voire une pointe d'ironie. Cependant, les deux comédiennes, rompues à l'exercice de la promotion depuis Cannes, ne peuvent ignorer que leurs confidences ne passeront pas inaperçues.
La jolie complicité du trio sur la scène du palais des Festivals lors de la cérémonie de clôture et les doux mots émouvants d'Abdellatif Kechiche lors de son discours ne peuvent plus masquer la réalité d'un tournage manifestement traumatisant. Qu'en pensent ses autres équipes, celles qui ont travaillé avec lui sur des oeuvres non moins bouleversantes et intenses, comme Hafsia Herzi, révélée par La Graine et le Mulet, ou encore Yahima Torres, incroyable en Vénus noire ? Si le film réussit à entrer dans la course aux Oscars, comme l'espère le distributeur américain, le côté obscur de La Vie d'Adèle n'a pas fini de faire surface.