C'est l'histoire d'une haine entre deux hommes. Une haine qui a conduit à la mort de l'un d'eux. Cette haine, c'est l'histoire de Lance Armstrong et Marco Pantani, deux des plus grands cyclistes des années 1990 et 2000, avant l'éclatement du scandale...
Message posthume
Marco Pantani est mort chez lui le 14 février 2004, officiellement d'une overdose. Plus de dix ans après sa mort, sa mère Tonina Pantani a mis la main sur un tee-shirt rose (la couleur de l'équipe de Marco Pantani, la Mercato Uno), sur lequel il écrit tout le mal qu'il pense de Lance Armstrong, révèle L'Équipe. Des années de rancoeur et de haine qui ont consumé celui que l'on appelait Le Pirate, et concentrées dans une seule phrase : "L'unique vraie blessure, c'est Armstrong."
Si Lance Armstrong ne faisait pas l'unanimité dans le peloton, la rivalité avec l'Italien confinait à l'aversion profonde. Le Texan porté aux nues alors qu'il enchaînait les victoires sur le Tour de France, Marco Pantani était lui traîné dans la boue par la justice de son pays après son exclusion du Tour d'Italie à Madonna di Campiglio en 1999 pour un taux d'hématocrite trop élevé.
Instinct vs science
La chute d'une icône, d'un coureur à l'ancienne, à l'instinct, qui s'était fait connaître par deux ascensions en solitaire de légende en 1994 - Lance Armstrong faisait lui la une des médias pour son combat contre le cancer -, qui l'avaient transformé en un grimpeur de premier plan, alors qu'il était un anonyme du peloton. Mais tout cela, c'était avant que n'éclate la terrible vérité, les confessions de Lance Armstrong face à Oprah Winfrey et les révélations sur son système de dopage et les complicités dont il bénéficiait au plus haut niveau.
Loin de l'approche "scientifique" du Texan, Marco Pantani s'entraîne à l'ancienne. Sept heures de vélo par jour, avec pour seule nourriture l'eau des fontaines d'Italie. Des centaines de kilomètres avalés sous le soleil. Un Dieu sur deux-roues, pédalant sans arrêt, attaquant là où on ne l'attend pas. Comme l'écrit L'Équipe, "Pantani incarnait le cyclisme. Il était le cyclisme".
Haine et soupçons
Mais tout bascule en 2000, sur le Tour de France, lorsque Lance Armstrong, qui avait lâché tout le monde dans l'ascension mythique du Mont Ventoux, voit revenir puis partir Marco Pantani. L'Italien semble s'envoler vers l'une de ces victoires qui vous font entrer dans la légende. Mais à trois kilomètres de l'arrivée, Lance Armstrong se réveille, et en quelques centaines de mètres, réussit l'impensable. Il revient sur Marco Pantani et mène le duo jusqu'à l'arrivée, où il s'efface de manière ostentatoire devant son adversaire, comme pour lui dire, "je fais de toi ce que je veux".
Une humiliation pour Marco Pantani, qui ne digérera jamais le geste, malgré une victoire tout aussi prestigieuse sur la montée vers Courchevel quelques jours plus tard. "Un héros de bande dessinée. Une sorte de Spiderman", dira-t-il de Lance, le qualifiant par la suite de "fils de celui qui est allé sur la Lune". "Marco s'est mis à le haïr", indique l'un de ses coéquipiers. Et Marco Pantani d'avoir cette déclaration prémonitoire, plus de dix ans avant tout le monde : "Je connais la montagne, je la pratique depuis que j'ai huit ans. Sur le Ventoux, l'Américain pédalait à un rythme trop élevé, au-delà de l'humain. D'ailleurs, il n'a pas affronté la montagne face à face, mais comme s'il savait par avance dès le pied qu'il sortirait vainqueur."
Un autre de ses coéquipiers abonde dans L'Équipe : "Il n'a jamais cru à la métamorphose du Texan, à cette fable de l'homme invincible qui triomphe du cancer et gagne le Tour." La suite, Marco Pantani la vit comme une injustice. Lui, harcelé par ce qu'il appelle "le système", et Lance Armstong, jamais inquiété, protégé par l'UCI à qui il signait des gros chèques pour, comble de l'ironie, acheter des machines de contrôle antidopage ultramodernes.
Chute mortelle
Une claque pour celui qui avait été le premier à demander des contrôles plus poussés pour détecter les traces d'EPO dans les analyses, alors que les cyclistes en usaient et abusaient en toute impunité au milieu des années 1990.
La longue descente aux enfers pour Marco Pantani, entretenue par sa haine de Lance Armstrong, s'est terminée par une mort en solo, comme lors de ses échappées, dans les limbes de la cocaïne dont il était devenu accro. Une période où Marco Pantani écrivait ses pensées sur les murs, les plinthes et les radiateurs de sa maison, ou encore sur ce t-shirt retrouvé par sa mère. "On lutte pour des valeurs et la merde se substitue à la souffrance, alors parlez cyclistes ! Faites-le pour les enfants qui rêvent des champions", écrivait-il ainsi.
"Mon fils avait anticipé de dix ans ce qui allait se passer, mais, alors, la vérité ne pouvait être racontée que sur un bout d'étoffe", raconte la maman du Pirate. Une vérité qui entretient un peu plus le mythe Marco Pantani.