Mille pages. Mille pages qui détaillent avec précision les pratiques de dopage de Lance Armstrong durant plus de dix années à parcourir les routes du monde entier et en échappant aux accusations. L'Agence anti-dopage américaine (USADA) a déposé mercredi soir son rapport contenant toutes les preuves pour inculper le coureur auprès de l'UCI, l'Union Cycliste Internationale.
Un pavé à charge qu'il sera bien difficile à Lance Armstrong de nier, puisqu'il se base sur le témoignage de vingt-six personnes parmi lesquelles quinze coureurs (dont onze ayant été coéquipiers de Lance Armstrong) ayant été les témoins de pratiques dopantes ou ayant eu connaissance de celles-ci. L'USADA a accumulé de nombreux éléments indiquant que Lance Armstrong a eu recours à des pratiques et produits illégaux pour améliorer ses performances.
Un système mafieux
Dans un résumé de 200 pages, l'USADA arrive à la conclusion que c'est un véritable système mafieux qui avait été mis en place, selon les termes de L'Équipe. "Les résultats de l'équipe professionnelle US Postal/Discovery Channel, y compris ceux de son leader Lance Armstrong, ont été accomplis à travers un système de dopage massif, le plus sophistiqué jamais révélé dans l'histoire du sport professionnel. Ces différentes catégories de preuves (...) mettent pour la première fois au grand jour cette conspiration du dopage", écrit ainsi le rapport. L'USADA décrit ainsi un système "conçu pour amadouer et mettre la pression sur des athlètes pour qu'ils utilisent des produits dangereux, pour éviter d'être découverts, pour assurer le secret et, au bout du compte, gagner un avantage déloyal à travers des pratiques dopantes plus élaborées", avec au coeur de ce système, une seule et unique personne toute puissante, Lance Armstrong. "Il est clair qu'Armstrong avait le contrôle ultime non seulement sur sa propre consommation de produits dopants, qui était considérable, mais aussi sur la culture du dopage de son équipe, poursuit le rapport. Les preuves sont accablantes : Lance Armstrong ne faisait pas qu'utiliser des produits dopants, il en fournissait à ses coéquipiers. (...) Ce n'étais pas suffisant qu'ils donnent le maximum sur leur vélo, il exigeait également qu'ils adhèrent au programme de dopage, ou qu'ils soient remplacés."
Le travail énorme, et réalisé sans les éléments de l'enquête fédérale qui avait abouti à un non-lieu, se base à la fois sur les témoignages, mais aussi sur des e-mails échangés par Lance Armstrong avec le sulfureux docteur Ferrari (surnommé Schumi, instigateur des pratiques dopantes à base d'EPO et de transfusions sanguines), des analyses scientifiques d'échantillons sanguins du coureur, des tests de laboratoires mais aussi de fortes sommes versées par l'Américain, environ un million de dollars entre 1998 et 2006, sur le compte suisse du docteur Ferrari.
Le témoignages de ses anciens coéquipiers
Ses anciens coéquipiers, Tyler Hamilton, George Hincapie, Floyd Landis ou Levi Leipheimer, pour citer ses plus fidèles lieutenants, décrivent tous comment ils ont eu recours à l'EPO, aux transfusions sanguines, aux patchs de testostérone et aux transfusions de sérum physiologique sur les conseils - ou les ordres - du septuple vainqueur du Tour de France aujourd'hui déchu. On apprend également comment les cyclistes déjouaient les contrôles anti-dopage, en étant prévenu à l'avance par leur directeur sportif Johan Bruyneel chez US Postal et Discovery Channel, en ayant recours à des poches de sérum physio juste avant les contrôles pour dissimuler les éventuels traces d'EPO ou un taux d'hématocrite trop élevé, les fausses adresses données dans le cadre du suivi anti-dopage, ou encore comment ils disparaissaient à l'hôtel Fontanals Golf de Puigcerda.
Les témoignages de ses anciens coéquipiers reviennent de manière très précises sur les dates, les manières et les moyens pour se doper. Ainsi, les coureurs étaient régulièrement envoyés en Espagne à Gérone dans l'appartement du coureur pour se faire prélever du sang avant que les poches soient placées dans un réfrigérateur dissimulé derrière un faux mur dans un placard du logement... Floyd Landis et George Hincapie racontent les nombreuses transfusions, mais également la prise de testostérone, surnommée l'huile, car dissoute dans une seringue d'huile d'olive.
Des pratiques suspectées, mais jamais prouvées. Lance Armstrong aurait à plusieurs reprises menacé ses anciens partenaires, verbalement ou par écrit, lorsque ceux-ci commençaient à parler, ou à poser trop de questions, ou refusaient simplement de se doper, toujours selon le rapport. Année par année, l'USADA décrit les pratiques dopantes de Lance Armstrong, qui ont évolué en même temps qu'évoluaient les contrôles anti-dopage...
Désormais, c'est à l'UCI de prendre ses responsabilités. Les coureurs qui ont témoigné et ont reconnu s'être dopés ont tous été suspendus, pour ceux qui couraient encore. Du côté de Lance Armstrong, on fait la sourde oreille. Si ses avocats dénoncent "une farce", le coureur garde sa ligne de défense et refuse de répondre aux allégations de dopage depuis août, malgré les invitations de l'USADA à venir s'expliquer.
Un mythe est tombé, et Lance Armstrong aura bien du mal à rester ce cycliste ayant vaincu le cancer avant de vaincre les cols du Tour de France...