Face à Oprah Winfrey, le regard impassible, "le con arrogant" a avoué. Lance Armstrong a confessé ce jeudi 17 janvier qu'il s'était dopé durant ses sept Tours de France terminés en maillot jaune sur les Champs-Élysées.
Les terribles aveux
L'Américain a ainsi mis fin à plus d'une décennie de mensonges et reconnu ce qu'il niait farouchement en dépit de l'évidence. Dès le début d'un entretien attendu par la planète sport, Lance Armstrong a répondu de manière lapidaire aux premières questions de la papesse du talk-show, ne laissant plus planer le moindre doute. Vous êtes-vous dopé ? "Oui." Avez-vous pris de l'EPO ? "Oui." Avez-vous pratiqué des transfusions sanguines ? "Oui." Avez-vous pris d'autres produits comme de la testostérone ? "Oui." Pendant les sept Tours de France que vous avez gagnés ? "Oui." Oui, oui, oui, et oui. Un mot que l'on pensait ne jamais entendre dans la bouche de celui qui était devenu une légende après son cancer des testicules et son retour triomphant sur le circuit.
Le Texan de 41 ans, déchu de ses sept Tours de France glanés entre 1999 et 2005 après une enquête minutieuse de l'agence américaine de lutte contre le dopage (USADA) reconnaît tout, sans ciller : "Mon cocktail, c'était de l'EPO, des transfusions et de la testostérone. (...) D'abord, de la cortisone puis de l'EPO à partir du milieu des années 1990." Face à Oprah Winfrey, l'ancien coureur est à l'aise, répond sans hésitation, comme s'il connaissait son texte par coeur. Un texte qui change radicalement du discours qu'il tenait depuis des années, évoquant ainsi "un gros mensonge" : "Je vois cette situation comme un gros mensonge que j'ai répété de nombreuses fois. Cette histoire était trop parfaite, trop longtemps. Ce n'était pas vrai. Je me suis perdu dans tout ça."
Lance Armstrong s'explique... un peu
Accusé par ses anciens coéquipiers de régner en maître au sein du peloton et comme un tyran dans ses différentes formations, Lance Armstrong a tenté de minimiser son rôle au sein d'un système de dopage considéré comme un véritable système mafieux par le rapport accablant de l'USADA : "C'était sérieux, c'était professionnel mais assez conservateur et sans prise de risque. Mais comparer cela au programme en Allemagne de l'Est dans les années 80, ce n'est pas vrai."
Pour autant, celui qui n'avait pas hésité à jouer les provocateurs après avoir été déchu de ses titres reconnaît un côté "bully" (sorte de brute dans les cours d'école, prenant un malin plaisir à martyriser ses camarades). "Je me comportais en brute dans le sens où je voulais contrôler l'histoire, a-t-il ainsi confié. Et si je n'aimais pas ce que quelqu'un disait, je me jetais sur lui." Des procès, Lance Armstrong en a fait des dizaines. Des carrières sportives, Lance Armstrong en a brisé quelques-unes. "Je vais passer le reste de ma vie à essayer de regagner la confiance des gens et à m'excuser auprès d'eux", a-t-il ajouté. Dans une séance d'auto-flagellation maîtrisée de bout en bout, rappelant les grandes heures de l'URSS et ses autocritiques savamment mises en scène, l'Américain se confie, n'éludant aucune question mais restant toutefois plutôt imprécis dans ses réponses.
Son rôle minimisé
"J'étais le leader, pas le directeur sportif ou le manager. Est-ce que je pouvais [licencier quelqu'un dans mon équipe qui ne se dopait pas] ? Je suppose que je le pouvais, mais je ne l'ai jamais fait. (...) Il n'y a jamais eu un ordre ou une directive pour dire 'Tu dois le faire si tu veux participer au Tour, si tu veux faire partie de l'équipe'. Cela n'est jamais arrivé", explique-t-il ainsi à propos de son rôle au sein de ses équipes, alors que certains de ses anciens coéquipiers expliquaient qu'ils n'avaient pas eu le choix face au dopage organisé par leur leader. Tout juste reconnaît-il son influence en tant que coureur numéro 1 : "En tant que leader, je montrais l'exemple. Nous étions dans un environnement compétitif. Nous étions des adultes, nous faisons des choix et certains dans l'équipe ont refusé de le faire. (...) D'ailleurs, ces gars ont continué à refuser de le faire quand ils ont changé d'équipe."
S'il refuse de parler des autres personnes, Lance Armstrong ne tarit pourtant pas d'éloges sur le docteur Michele Ferrari, banni à vie par Union cycliste internationale (UCI) et grand ordonnateur du dopage dans le monde du cyclisme, qu'il considère comme "un homme bien, un homme intelligent". Il nie également avoir soudoyé l'UCI pour échapper aux contrôles antidopage, tentant sans convaincre d'expliquer pourquoi il a versé 125 000 dollars à l'UCI, certains le soupçonnant d'avoir voulu étouffer un contrôle positif sur le Tour de Suisse en 2001 : "Ce n'est pas vrai. Il n'y a pas eu de contrôle positif, pas de paiement ou de rencontre secrète avec le laboratoire. Cela n'est pas arrivé. Je ne suis pas un fan de l'UCI mais il n'y a pas eu de contrôle positif à couvrir avec lui. Il y a eu une donation à l'UCI mais ce n'était pas pour couvrir un contrôle positif. (...) Ils m'ont demandé de l'argent. J'étais retraité [à l'époque du don, il était encore coureur, NDLR] et riche. Je me suis dit : 'Pourquoi pas ?'"
Tentative de mea culpa
Dans cette première partie d'une interview qui aura duré au total plus de deux heures, et dont la seconde partie sera diffusée ce soir, Lance Armstrong a tenté de se justifier auprès du grand public, expliquant qu'il n'avait alors pas la sensation de se doper : "Je ne pensais pas que c'était mal. Cela fait peur. Je ne me sentais pas mal. Cela fait encore plus peur. Je ne pensais pas que j'étais en train de tricher. C'est le plus effrayant." Face à Oprah Winfrey, il explique également que sans son retour à la compétition en 2009, jamais, il n'y aurait eu d'enquête et jamais il ne se serait retrouvé face à la caméra ce jeudi 17 janvier pour se confesser. Coureur propre à cette époque, il aurait essuyé la jalousie de son ancien partenaire, Floyd Landis, vainqueur déchu lui aussi et principal accusateur du Texan.
"J'ai des failles, conclut-il. Des failles profondes. Nous avons tous nos failles. (...) Toute ma vie, j'ai été comme ça. Avant le diagnostic [du cancer, NDLR], j'étais un compétiteur mais pas un compétiteur féroce. Quand j'ai été diagnostiqué, je suis devenu un battant. C'était bon. Cette attitude sans pitié, de vouloir gagner à tout prix, je l'ai gardée sur le vélo. C'était une erreur."