c'est une histoire qui pourrait être digne d'une série Netflix.
Le rappeur MHD et huit autres hommes sont jugés aux assises à Paris à partir de ce lundi 4 septembre 2023 pour un meurtre commis lors d'une rixe entre deux bandes rivales dans la capitale en 2018. L'artiste et quatre coaccusés comparaîtront libres, trois autres sont toujours en détention provisoire et le dernier, toujours en fuite, sera jugé par défaut. Ils encourent trente ans de réclusion criminelle.
Placé en détention provisoire durant un an et demi, MHD, Mohamed Sylla, de son vrai nom, a été libéré à l'été 2020, sous contrôle judiciaire. Depuis, le jeune rappeur fait profil bas mais le Parisien a retrouvé sa trace. Depuis sa libération, MHD a sorti en 2021 un nouvel album, devenu disque d'or, et, cet été, un nouveau single intitulé Jungle.... Sa carrière n'est donc pas à l'arrêt malgré l'affaire qui le concerne.
Dans son numéro du dimanche 3 septembre, le quotidien a recueilli le témoignage d'une personne ayant croisé MHD cet été à Montpellier, où l'artiste vit à présent. "Il veut vivre discrètement, l'important pour lui, c'est son bébé, il est jeune papa, il s'occupe de sa fille", commente cet anonyme. Ses parents eux, vivent toujours aux Chaufourniers. Sa maman, Mamidy, s'en remet au destin pour l'avenir de son fils. "C'est Dieu qui décide, on fait confiance au destin", réagit-elle auprès du Parisien. "Il sait ce qu'il doit faire, il a compris ce qu'il doit éviter", ajoute-t-elle en référence aux anciennes fréquentations de son fils. Le père de MHD, Issiaga, décrie quant à lui "un garçon très bien", "qui n'a jamais eu de problèmes."
Dans la nuit du 5 au 6 juillet 2018, Loïc K., âgé de 23 ans, meurt après avoir été renversé volontairement par une Mercedes dans le 10e arrondissement de Paris, puis passé à tabac par une dizaine d'hommes et lacéré de coups de couteaux. La voiture est retrouvée un jour plus tard, incendiée, dans un parking.
Rapidement, les enquêteurs explorent la piste d'un règlement de comptes entre jeunes de la cité des Chaufourniers, surnommée la "cité rouge", et celle de la Grange aux Belles, situées à quelques encablures l'une de l'autre, dans les 10e et 19e arrondissements. Les affrontements entre les deux bandes ne sont pas nouveaux. Plus d'un an auparavant, un jeune des Chaufourniers avait déjà trouvé la mort dans une bagarre.
Quelques heures avant l'échauffourée ayant abouti à la mort de Loïc K., une dizaine de personnes de la Grange aux Belles s'étaient introduites chez un ancien du quartier des Chaufourniers et l'avaient menacé avec des gourdins, acte qui avait suscité une volonté de représailles de la cité rivale. Plusieurs témoins mettent en cause le rappeur MHD, habitant des Chaufourniers.
Pionnier de l'"afro-trap", mélange de hip-hop et de musiques africaines, le jeune homme, alors âgé de 23 ans, est en pleine ascension. Son premier album s'est vendu à plus de 400 000 exemplaires et il est remarqué à l'étranger par des artistes comme Madonna ou Drake. Les enquêteurs établissent que la Mercedes incendiée lui appartenait et des témoins affirment l'avoir vu à bord.
Par ailleurs, sur plusieurs vidéos de la scène, un des hommes, de type africain, a les cheveux teints en blond et porte un survêtement de la marque Puma. On l'y voit traîner Loïc K. pour l'écarter de la voiture et lui asséner un coup de pied dans la tête avant de quitter les lieux. A cette époque-là, MHD avait les cheveux peroxydés et était ambassadeur de la marque Puma.
Ce dernier a tout au long de l'instruction nié les faits, faisant notamment valoir qu'il prêtait très régulièrement sa voiture à son entourage, et que plusieurs personnes dans le quartier portaient la même coiffure que lui.
Parmi les autres accusés, trois, dont celui qui est en fuite, sont soupçonnés d'avoir porté des coups de couteau à la victime. Un autre sera également jugé pour l'incendie de la Mercedes.
"On est sur un cycle tragique et terrible de violences de quartiers, dans lequel on ne sait plus pourquoi tel quartier est ennemi de tel autre, mais où on n'a pas le choix et on est obligé d'être solidaires des autres", analyse Me Guillaume Halbique, avocat de ce dernier, auprès de l'AFP. "Pour bien juger et bien comprendre, il faut prendre de la hauteur et prendre en compte ces dynamiques qui se mettent en place dès le plus jeune âge", estime-t-il.
Le procès est prévu jusqu'au 22 septembre.
Mohamed Sylla reste innocent des faits qui lui sont reprochés jusqu'au jugement définitif de cette affaire.