Tous les jeudis soirs, Laurent Ruquier est fidèle au poste, au Studio Gabriel. Il s'installe avec la même étincelle dans l'oeil pour enregistrer un nouveau numéro de son talk-show On n'est pas couché, diffusé le samedi suivant, et suivi par 1 à 2 millions de téléspectateurs. Le bimensuel Society a enquêté sur les coulisses de l'émission qui fait frémir les artistes et qui donne libre parole aux politiques.
Chaque semaine, quatre à sept invités prennent place dans le fauteuil pour faire face aux polémistes : Michel Polac, Eric Zemmour ou Eric Naulleau, il fut un temps, Natacha Polony, Audrey Pulvar ou encore Aymeric Caron ont également oeuvré. Désormais, c'est Léa Salamé et Yann Moix qui officient. "Laurent (Ruquier) déteste que l'on réserve les invités trop en avance, il veut réagir à l'actu chaude", explique Catherine Barma, la productrice. Pour préserver la fraîcheur de leurs interventions et une forme de spontanéité, tout en garantissant qu'ils n'auront aucune influence sur le choix des invités, les contacts entre polémistes et équipe de rédaction sont limités. "Les seuls contacts que j'avais avec la prod, c'était quand elle m'envoyait par mail ou coursier 30 pages de revue de presse", se souvient Natacha Polony, qui a cédé sa place à Léa Salamé en juin 2014.
Celle qui présente désormais Polonium sur Paris Première chaque semaine n'a pas oublié ses inimitiés avec son homologue de l'époque, Aymeric Caron : "C'était devenu insupportable. Dès que l'on ouvrait la bouche pour prendre la parole, on sentait une tension atroce. Il y a eu une période où on ne se disait même plus bonjour. Ruquier essayait d'apaiser les choses. (...) Et puis à un moment, il a été obligé de dire stop."
Complice de Thierry Ardisson depuis une trentaine d'années et de Laurent Ruquier depuis le début des années 2000, Catherine Barma oeuvre dans l'ombre. Sa carrière, elle la débute comme... gogo-danseuse ! "C'est vrai, mais pas à Pigalle, hein, aux Champs-Elysées, c'était plus chic !", tient-elle à préciser dans les pages de Society. Catherine Barma, c'est surtout une femme sans filtre. "(Le monde de la télé), c'est le règne de l'argent, du pouvoir et du sexe. Même si le sexe, bon, je n'en ai pas beaucoup fait l'expérience", s'amuse celle à qui l'on prête une réputation de tyran, "caractère de merde", ose même le magazine.
Catherine Barma, c'est également à elle que l'on doit Tout le monde en parle, l'une des émissions mythiques de Thierry Ardisson. Pour elle, le parallèle avec On n'est pas couché est inévitable. "Les plans de table chez Ardisson, c'était un peu comme un dîner de cons : un facho qui parle très fort, deux autres qui ne le supportent pas, et au milieu, une pute qui ne comprend rien. (...) Chez Ruquier, ce n'est finalement pas très éloigné. Sauf qu'il n'y a plus de pute, plus de sexisme, plus de questions : 'Est-ce que sucer c'est tromper ?'", caricature la productrice.
Et si les invités s'y précipitent, quitte à être sacrifiés sur l'autel par les polémistes, c'est parce que l'émission "fait acheter des livres, aller au cinéma... l'émission est faite comme ça", comme l'explique Catherine Barma, qui a pu constater des bonds dans les ventes pouvant atteindre +60%, dans les 48 heures suivant le passage d'invités dans l'émission. Malgré tout, certains sont réticents : "Cette émission fait peur aux artistes", note la productrice déplorant que Jean Dujardin, Guillaume Canet ou Mélanie Laurent refusent d'y mettre les pieds.
Dans un entretien accordé au quotidien Le Monde plus tôt ce mois-ci, Laurent Ruquier expliquait : "Je me pose vraiment des questions sur l'année prochaine, avec l'élection présidentielle qui arrive. Je ne suis pas sûr d'avoir envie de mettre le nez dans ce merdier."
Il persiste et signe dans les pages de Society... "Je me demande réellement si je vais continuer la saison prochaine. Je déciderai au printemps", annonce-t-il. Accusé de plus en plus fréquemment "d'orchestrer des polémiques" en donnant la parole à des invités de tout bord. Et comme le dit si bien Nicolas Bedos : "(Laurent Ruquier), c'est un garçon paradoxal. Mais c'est ce qui fait l'intérêt de l'émission : on voit chaque samedi soir un type bien faire débattre des gens qui ne le sont pas toujours."
Joachim Ohnona
Society n°18, en kiosques le vendredi 30 octobre 2015